Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Des Mots Démos Des Maux ...

Des Mots Démos Des Maux ...
Publicité
Archives
17 septembre 2013

Bonjour à tous

Je m'appelle Loïc Silence. Ce blog a été crée pour y publier mes écrits , de nature variée: poêmes,chroniques de disques ou de livres , articles concernant divers artistes ou courants artistiques , et d'autres portant sur des sujets variés: thèmes qui...
Publicité
Publicité
25 février 2014

CATARACTE (poème)

Souffle au-delà des cataractes
Surplombe la bande des âmes nommées
Une tumeur juste sous la rate
a déclaré sa liberté
C'était un gredin carnassier
qui rougissait quand on le flatte
Encore une de ces femmes damnées
Qui purulait quand on la gratte
Des tubes, des perfusions dansent
autour de ces corps fânés
Un vieux juke-box rouillé panse
Les maux du staphilocoque doré
En écoutant Jimi Hendrix
le vilain germe ne peut lutter
Et il se fait encore un fix
Ouais, c'est sûr, c'est le dernier
Juges et avocats pervers déboulent
Ah non, mon cher, ce n'est pas bien, ça
Toutes cellules dehors, le venin coule
Qui êtes vous messieurs dames pour me parler comme ça?
Linoléum rempli de verre broyé pillé
Fakir malade se défonce l'arrière-train
Derrière le train court un aliéné
Voulant rattraper un amour vain
Connexion antibiotique
Qu'on est con quand on respire
Annexion névrotique
Cela pourrait être pire
Souffle au-delà des cataractes
Surplombe les beaux vestiges d'une vie cramée
Une tumeur on la prend on la rate
A déclaré sa cécité
S'en va rejoindre copains-copines
Pour jouer à la marelle
Dans sa tête une phrase se dessine:
Oh, que la vie est belle.

25 février 2014

ROBERT PETE WILLIAMS OU LA TRANSCENDENCE DES GENRES (article):

 

   Prenez un dictionnaire ou une encyclopédie musicale à la page Billie HOLIDAY, on y parlera d'une chanteuse de jazz. Prenez le même dictionnaire à la page Hank WILLIAMS, on y parlera d'un musicien de country. A la page Townes VAN ZANDT, on y parlera de folk music. Pour moi, la réalité est toute autre: il s'agit là de trois artistes de blues. Car au-delà de l'étiquette qu'on leur a collé, ils possédaient cette aura, ce sens aigu de la complainte si propre à ce qui s'avère être le blues.C'est là la marque de fabrique des grands, des artistes majeurs: ils ne peuvent être catégorisés par rapport à des caractéristiques techniques, par rapport à des éléments concrets, des règles et des lois. La dame aux camélias est, avant d'être une jazzwoman, une blueswoman car elle s'exprime dela même manière que Son HOUSE ou Memphis MINNIE. Et elle s'est toujours déclarée guidée par Besse SMITH et Ma RAINEY. Le même feeling se retrouve chez Hank WILLIAMS et Townes VAN ZANDT. Ils ONT des caractères jazz, country ou folk, mais ils SONT le blues.Et Louis JORDAN, est-ce du rythm'n'blues, du rock'n'roll? Et Bo DIDDLEY? J'ai toujours été attiré par les musiciens qui se détachaient de leurs chaînes, qui ne pouvaient pas être classés, rangés bien confortablement dans un tiroir. Le premier caractère de ces artistes est,comme on l'a dit, le feeling, le fond, l'âme. Mais si l'on y regarde de plus près, et chez des artistes plus récents, le deuxième nous apparait: ces insaisissables jouent avec les clichés, s'amusent avec la conformité et la réglementation.

   Maître en matière de liberté musicale, Neil YOUNG est admirable pour ses revirements de bord, ce qui le place un jour sur le piedestal de la folk musique, le lendemain sur le podium du rock sauvage et bruitiste, pour finir ensencé pour un album country ou éléctro . Mais alors comment peut-on le qualifier? Peut-on? Doit-on le qualifier? Peut-être faut-il simplement le quantifier? Ou bien sûrement ne faire que l'écouter et l'apprécier (quelles idée à la con de vouloir tout analyser, vilain moi!) Je voulais parler des artistes jouant avec les clichés: certaines formations "rock" en ont fait leur fond de commerce: je peux en citer trois, que j'admire profondément: les BUTTHOLE SURFERS,dadaïstes punks prennant un malin plaisir à torturer leur propre répertoire, à saborder les chansons.Il est parfois du goût de certain d'afficher son mauvais goût. Certains titres sont joyeusement malsains. Qu'est-ce donc que cette satanée musique? Mais attention! Ceci n'est pas dommageable car le groupe est malin au point de ne jamais porter atteinte à son talent de composition. Il y a toujours, dans leur morceaux, une partie grotesque et une autre on ne peut plus sérieuse et sincère. Ce sont de vrais mélodistes, de vrais rockeurs, avec un bon dosage de second degré et d'engagement. Autre groupe s'amusant avec les clichés, les MEAT PUPPETS. Parfaits techniciens, ils prennent garde de ne pas en faire trop, mais quand ils en font trop, ils se doivent d'aller très loin dans l'excès. Les buttholes et les puppets font partis de ce qu'on nomme "rock-punk" ou "rock indé" mais leur musique est bien plus que cela. Les frères KIRKWOOD des puppets font voler en éclats les barrières: solos de hard-rock à la sauce honky-tonk, douceur d'un slow tendu comme un rockabilly en rute. Troisième exemple de ces inclassables, WEEN. Eux aussi ne font pas dans la dentelle quand il s'agit de mélanger les genres et les influences. Parfois à l'intérieur d'un album, mais souvent à l'intérieur d'un même titre. Eux aussi parviennent à garder leur sérieux tout en faisant la fête à l'interdit. Il n'y a pas vraiment d'interdit en matière de musique et heureusement qu'ils sont là pour qu'on ne l'oublie pas. Je citerai aussi CLOUDDEAD ou les albums des MELVINS les plus originaux. Ou bien encore CAN et  FAUST. Ou les STOOGES.(est-ce cela du punk?).Tous ces artistes n'avaient que faire des conventions et surtout débordent très largement du cadre dans lequel on les a coincés. Et c'est là où je voulais en venir. Cette introduction n'avait pour but que de présenter un homme appellé ROBERT PETE WILLIAMS, né à Zachary, Louisiane, le 14 mars 1914 et mort à Rosedale, Louisiane, le 31 décembre 1980.

 

   Robert Pete est considéré comme un grand bluesman, très méconnu avant le blues Revival des années 50-60, découvert alors qu'il jouait depuis 1930 dans les bleds de Louisiane et déplacé illico de la prison d'Angola (où il était condamné à perpèt. pour meurtre) jusqu'aux scènes des grands festivals et des clubs en Europe. Je vais vous conter un peu sa vie et son oeuvre et seulement après, vous comprendrez le pourquoi de cette introduction et son lien avec Williams. De "T.V. eye" aux juke-joints, il n'y a qu'un pas. Enfin, pas vraiment, mais vous allez voir...

   Robert Pete passe son enfance dans les champs de coton et de canne à sucre, il ne va pas à l'école. A dix ans, le jeune garçon concrétise son attirance pour la musique en fabriquant un prototype de guitare a partir de fil de fer et d'une boite à cigare.(Notons que la technique est plutôt répandue dans le Sud des Etats-Unis. Moult artistes folk, country ou blues ont débutés avec une boite à cigare). Quelques mois plus tard, il réunit la somme nécessaire à l'achat d'une vraie guitare, le temps de la boîte à cigare n'aura pas duré longtemps et tant mieux pour Robert. Ce dernier commence à jouer dans les pique-niques, les soirées et les tripots de la région, près de Bâton-Rouge en Louisiane. Nous sommes au début des années 1930 et déjà Robert se forge une petite réputation locale. Mais il n'est pas nomade dans l'âme. Ce vrai sédentaire passera une grande partie de sa vie près de son lieu de naissance, à l'inverse des grands country-bluesmen des années 1920-1930 comme Robert JOHNSON ou Blind LEMON JEFFERSON qui avaient la bougeotte permanente et purent ainsi construire une vraie carrière nationale.Jusqu'au milieu des années 1950, Robert associe son travail (d'abord le coton, puis essentiellement un emploi de ferrailleur) et la musique.

   En 1956, sa vie bascule dans le sordide. Agressé et provoqué par un blanc, il riposte et tue l'homme en question, d'un coup de revolver. Incarcéré au pénitencier d'Angola, il plaide la légitime défense mais est condamné à perpétuité. Cette prison est réputée pour être l'une des plus dures du Vieux Sud, et seule la musique donne un peu d'espoir à Robert. Il joue pour lui, pour les détenus et même pour les matons.En 1958, Harry OSTER et Richard ALLEN, deux musicologues prospecteurs découvrent en pénétrant dans Angola un homme particulièrement doué: Robert Pete WILLIAMS. Stupéfaits devant le talent du prisonnier, ils font des pieds et des mains pour l'enregistrer, puis se débrouillent pour le faire libérer sur parole en décembre 58. Robert doit maintenant travailler 60 heures par semaines dans une ferme désignée. Peu à peu, sa peine sera allégée et notre homme passe désormais beaucoup de temps à jouer de la musique. En effet, la mouvance du "blues revival" dicte sa loi en cette fin de décennie: les vieux bluesmen ruraux sont sollicités. On "redécouvre", et dans le cas de Williams, on découvre des talents susceptibles de nourrir les bouches affamées des jeunes étudiants des villes du nord, friands d'authenticité. Robert Pete est à l'affiche du grand et célèbre festival de Newport en 1964. Il part en tournée avec Mississippi FRED MC DOWELL, Mance LIPSCOMB, deux nouvelles découvertes, et du patriarche Big JOE WILLIAMS. Il joue en Europe et est à l'affiche de l'American Folk Blues Festival en 1966 et 1972.Jusqu'à sa mort, il joue ses chansons un peu partout, étant encore en France six mois avant sa disparition. Cela n'empechera pas sa femme de brûler sa guitare à cause des faibles revenus générés par sa carrière musicale. Même s'il fait partie des grandes découvertes du Blues Revival au même titre que Mance Lipscomb ou Fred Mc Dowell, il semble qu'il gardera jusque très tard son travail de ferrailleur.On peut d'ailleurs le voir conduire son camion-benne dans le film de Robert Manthoulis sur les bluesmen dans les années 1970.

  

   Robert Pete Williams occupe une place très spéciale dans le monde du blues, pour une raison simple: sa musique n'est pas vraiment du blues, en tout cas pas au sens académique. Son répertoire est unique et très spécial. Pour le décrypter, il faut revenir en arrière et noter que depuis son enfance, il n'a pas vraiment fréquenté le monde des bluesmen. Il a toujours vécu loin des artistes et de ce fait n'a été influencé que très tardivement. Robert Pete a également vécu sans éléctricité  jusqu'aux quelques années avant sa mort. Ce qui signifie pas de radio ni télévision. Pas de disques non plus.Ses seules influences, selon ses dires, sont, (et à petite échelle), Blind Lemon JEFFERSON et Peetie WHEATSTRAW, car il a écouté leurs disques chez des amis. Plus tard, en tournant avec d'autres musiciens, son style en sera affecté et modifié, mais pas avant la fin des années soixante.

   Mais alors, à quoi ressemble cette musique vierge de toute perversion? En fait, elle est rééllement étrange, et c'est là que mon article trouve sa source et voilà le pourquoi de mon introduction. La musique de Robert Pete est un blues hors-du-blues. On ne peut que remarquer l'absence des règles établies (structure du chant en mode A-A-B, 12 mesures de thême, utilisation des blue-notes...).Ce sont des chansons anarchiques, parfois dissonantes. Le style est complexe, l'accordage de la guitare est particulier (souvent en Ré mineur) -d'ailleurs il utilise souvent les accords mineurs,chose rare dans le blues. Les rythmiques sont étranges et spontanées.

    En écoutant les morceaux de Williams, on pense aussitôt à de la musique traditionnelle africaine. En effet, les ambiances sont plus proches de chants folkloriques du Mali que de Charley PATTON. Comment cela se fait-il? Est-ce l'influence de ses ancêtres, qu'il aurait "ingéré" lors de son enfance? Une chose est sûre, c'est une musique planante et visionnaire, que l'on peut comparer aux chants de chamanes nord-africains. S'il fallait le mettre à côté d'autres buesmen, je dirai qu'il est proche, dans une infime mesure, de Skip JAMES pour l'athmosphère envoutante qu'il dégage, et de John Lee HOOKER pour le côté caractériel d'une personnalité fortement affirmée.On trouve également un petit peu de Mississippi JOHN HURT pour la tendresse et le calme de certains morceaux. Mais c'est tout. Autre trait particulier: Robert Pete improvise tout le temps et du coup, chaque version est différente et certaines chansons ne sont jouées qu'une fois, remplacées au pied-levé par une autre. Même le chant dépend de l'instant et les paroles sont inventées sur le tas. Cela donne encore plus d'originalité à son oeuvre et de relief à son répertoire. Les textes sont empreints de ses éxpériences et de ses malheurs autant que ses bonheurs. Evidemment, il a le blues et il en parle, par le biais de la prison, de la société qu'il juge très négativement, d 'amours difficiles. Il parle aussi de religion, et se pose beaucoup de questions à ce sujet, toujours en proie à des remises en causes et des interrogations sur notre monde. Il a un style naïf très attachant. Mais il est loin d'être bête, c'est sûr. Il est en tout cas, selon tous les critères évoqués, un artiste original et singulier, ce  qui, à mon humble avis,fait de lui un GRAND artiste. Il ne peut être rangé dans un tiroir et c'est tant mieux.

   Je vous conseille vivement tous ses premiers albums, enregistrés en prison et peu après sa sortie.Ils ont été réédités chez ARHOOLIE. La période finale de sa discographie est moins originale mais toutefois de grande qualité. On ne peut rester de marbre à l'écoute de Robert Pete Williams, essayez et vous verrez.

25 février 2014

IN UTERO: 20 ANS ET PAS UNE RIDE (chronique à rallonge)

     C'est un exercice paradoxalement difficile que de chroniquer son disque de chevet depuis vingt ans. Un de ces disques ultimes, appris de fond en comble et jamais usé. IN UTERO, troisième et ultime album studio de NIRVANA, est pour moi un de ceux-ci, et je me rend compte qu'il n'est pas aisé d'en parler objectivement, sans mièvreries stupides et redondantes. Au niveau personnel, il est arrivé à une époque spéciale et trouble, le début de mon adolescence. Une période d'isolement, perdu dans mon trou paumé, n'ayant pour distraction que la musique. En effet, j'avait déjà testé le foot,car tout garçon de mon âge se devait d'y passer, comme un test de virilité.Hélas ce fut un désastre psychologique et physique. Les cours de solfège et d'accordéon ne donnèrent rien de bon non plus, étant tombé sur un professeur violent au point de me cogner si je ne réussissait pas mes exercices. Je jura de ne plus jouer ni écouter de chansons.Je recherchait donc un autre centre d'intérêt lorsque j'ai entendu "Nevermind" en 1991. C'est ce qui m'a réconcilié avec la musique. Autour de moi, tous les adeptes des bals du samedi soir où ils s'éclataient sur 2 Unlimited entre deux ratonnades bien arrosées se mirent à écouter  "Smells like teen spirit". Je garderai toujours des sentiments ambigües pour cette chanson, qui symbolise  autant la liesse populaire que le dégoût qui en découle. Ce fut la première et la dernière fois que j'appréciait la même musique que mes voisins et mes cousines, dont l'une d'entre elles me copia une cassette, face A: Corona et AcDc et face B:Nevermind. Dès lors, mon but dans la vie était de collecter le plus d'infos sur Nirvana. Mais la cassette de ma cousine me laissait sur ma faim. Ce son boueux, vaseux, était très étrange et me déstabilisait. J'étais encore un gamin et je n'arrivait pas à analyser vraiment ce que j'entendait, mais je sais que trois mois plus tard, quand je trouva "Bleach" en cassette dans une grande surface, je devint encore plus "fan"  car j'adorais la production, digne de la musique, brute et sans toutes les fioritures de l'album suivant.

 

   Deux ans après, un ami me dit qu'il possède le tout dernier disque du groupe. N'ayant pas de platine CD, je lui demande une copie et reproduit la jaquette sur une feuille de brouillon. (paroles, photos, crédits, tout cela étant fort interressant pour un adepte ultra-fan). Je me souvient très bien le jour où je rentrai des cours avec ma cassette en poche. Nous étions en été et il faisait une chaleur lourde et étouffante, un orage menaçait. Je mis en marche le lecteur, et puis trois coups de baguettes: 1,2,3, PAN!!  La grosse claque. Des frissons me parcourent la colonne vertébrale. Je n'eu pas le sentiment d'écouter les mêmes musiciens que sur

Nevermind. Le son était rêche, cru, les guitares crissaient, incisives. La batterie était lourde et le chant tranchant. Et cela ne portait pas atteinte aux compositions: cela les sublimait. Ce jour-là, j'ai choisi mon camp, celui de la spontanéité, du naturel, et non du superflu qu'incarnait désormais pour moi Nevermind. Il est clair que j'admire l'oeuvre globale de Nirvana, ses penchants les plus pop comme ceux les plus tordus et sombres, mais il est indéniable qu'ils ont parfois fait des choix déplacés et In Utero est tout le contraire. Il suinte la hargne et la douleur. Il dit tout haut ce que Bleach et Nevermind disent tout bas. On peut le comparer à la compilation "Insesticide" mais cette dernière n'a pas l'unité artistique, ni l'étalage de talent présents sur In Utero. Ce n'est d'ailleurs pas un album. La comparaison s'arrête donc au côté "sans concession " et libertaire des deux disques.

 

  In Utero, donc, sorti courant 1993, est enregistré aux Pachyderm Studios sous la neige du Minnesota en février. En douze jours, mixage compris. Autant dire qu'il n'y avait pas de place et de temps pour les fioritures. Le choix de l'ingénieur du son se porte sur Steve ALBINI. Personnage-clé de l'underground américain, son  groupe BIG BLACK a marqué les membres de Nirvana. Il est réputé pour son refus des compromis, produisant un travail brut et spontané, quitte à s'octroyer les foudres des maisons de disques, lui-même détestant ouvertement les majors compagnies. Sa femme est au fourneau (pour l'anecdote, Courtney Love, présente quelques jours dira qu'elle devait faire la cuisine et  servir le repas sans dire un mot, victime de la mysoginie légendaire de son compagnon). Les sessions se sont bien déroulées, si on compare avec les activités du groupe en 1992 , époque où le groupe était presque dissous, croulant sous le poids des rumeurs de paparrazi et les problèmes internes, le couple Cobain-Love étant devenu plus célèbre que Nirvana. L'obligation de jouer dans des salles énormes et des stades était également mal vécue. Les jeunots du rock indépendant transformés en superstars planétaires se sont apparement bien retrouvés, au moins artistiquement, durant In Utero. Ils avaient la volonté profonde de faire un disque personnel, plus singulier que l'opus précédant, quitte à ne plaire qu'à une minorité de gens. Cobain dira d'ailleurs qu'il éspèrait vivement que leur nouveau disque se vende moins que Nevermind. Les prises se passèrent bien, mais il y eu quelques soucis de mixage, jugé invendable et anti-commercial par Geffen records. Du coup, le producteur de REM, Scott Litt, fut appellé pour "retoucher" le son des singles, surtout "Heart shaped box". En réalité, seules les voix furent légerement relevées en volume, c'est tout. Les Nirvana furent contents du résultat, beaucoup plus en adéquation avec leurs volontés profondes que ne l'avaient été Bleach et Nevermind. Quand on écoute In Utero, on pense à Guided By Voices, Rapeman, the Stooges, Gang of four, Jesus Lizard. Nevermind, lui, rappelle plutôt Cheap Trick, REM,Grand Funk, ou les Bay City Rollers. Il est clair que même si ce n'était pas un but conscient et volontaire, Nirvana voulait s'écarter des grosses pointures de la variété, prouver qu'ils n'avaient pas grand-chose en commun avec Michael Jackson ou Boy Georges. Ce qui frappe vingt ans après, c'est le caractère moderne du son. Il n'a pas pris une ride. Si Bleach était gentillement innocent et frais malgré ses défauts, Nevermind était ancré dans une époque et son rendu à la botte des canons et des caractérisitiques de cette période  l'ont fait mal vieillir. Il sonne trop "comme tous les groupes 90's". Mais assez parlé de son, attachons nous aux chansons. Elles n'ont jamais été aussi bonnes que sur In utero. De plus, l'album est très écléctique. Ce n'est pas qu'un concentré de rage. Il nous offre la possibilité de découvrir, ou de confirmer les talents mélodiques de Cobain. "Heart shaped box", "Dumb", "All apologies" sont des chansons attractivement étranges, magnifiques de simplicité et ont une beauté pure. A côté de celles-ci, on y entends des brûlots punk qui nous laissent imaginer un lion féroce enfermé dans une petite cage, à qui l'on tend un bout de viande pour le faire sortir de ses gonds. "Very ape" et "Tourette's" sont de celles-là. "Milk it" est un des morceaux les plus tordus de Nirvana et l'un des meilleurs. Il pourrait, selon les dires de Cobain, représenter la phase artistique dans laquelle le groupe voulait s"engouffrer s'il avait continué. Cela (une structure alambiquée et des ambiances plus prononcées) et des chansons très folk, très calmes, travaillées avec des samples et des boucles, aurai pu constituer le disque suivant de Nirvana.  Enfin, la plupart des autres morceaux naviguent entre deux eaux, montrent comment le talent de songwriting est à son paroxysme, alternant énergie, colère, ("Scentless apprentice") et mélodies entrainantes comme sur "Serve the servants" ou "Frances Farmer". Si je devais citer un seul défaut ou un sous-morceau,

je mentionnerai "Pennyroyal tea" car il est beaucoup mieux traité en live (regardez la version de Fevrier 1994 à Nulle par ailleurs, c'est une tuerie!). Mais à part ça, l'album entier est un monument. C'est tout bonnement un des meilleurs disques de rock'n'roll. Si Nevermind possédait déjà des chansons excellentes (mais pas toutes), In utero possède en plus un univers singulier, étrange, mais foutrement humain. En fait, pas si étrange que cela au final: il va simplement loin dans l'extériorisation et le traitement de ressentis extrêmes et parfois un peu tordu. Mais je suis sûr que chaque humain, au moins une fois dans sa vie, a fait face à des émotions  que Nirvana décrit dans In Utero.Chacun de nous, plus ou moins profondément, doit gérer des mécanismes émotionnels mis en avant dans le disque, que ce soit dans la musique ou dans les paroles.

 

     Les textes, justement, ne sont pas en reste et je les trouve beaucoup plus mûrs que ceux des précedents albums. Cobain met en place toute une imagerie forte et obsédante. Les sujets sont variés: dégout de la société et du star-système (certains passages de Serve the servants, Radio Friendly Unit Schifter) amour ( Certaines lignes de Dumb, Heart-shaped Box) drogues, névroses et psychoses, problèmes d'égo, et d'autres, pas forcément aussi sombres que ça. Car Cobain lui-même a nié l'aspect auto-

biographique, affirmant que la plupart des paroles étaient issues de lectures et de films. Il aurai mis en texte des thèmes empruntés à sa culture. On veut bien le croire, en prenant l'exemple de "Scentless Apprentice" qui est de manière évidente inspiré du roman "Le parfum" de Patrick Süskind.

   Les paroles sont donc obsédantes, la musique aussi. Durant cet été caniculaire où j'ai mis ma cassette dans le magnétophone, j'étais comme obsédé, car In Utero est un disque obsédant, obsessif, obsessionnel. Même si le but premier était juste de faire un très bon disque, se concentrer sur les chansons, Nirvana a par cette occasion  fait un gros doigt d'honneur à ceux qui les croyaient morts et enterrés, détruits par leur propre gloire et par les drogues. Un gros "fuck" à ceux qui les voyaient comme un boys-band

de guignols à la mode, incapable de faire autre chose que du Grunge académique, détruisants leur matériel sur scène comme si c'était un exercice planifié et organisé par des managers désireux de toucher les ados en manque de pseudo-rebels qui cassent tout sur leur passage, parce que c'est trop cool. In utero est donc avant tout un des meilleurs albums de rock'n'roll de tous les temps, et aussi une manière de faire taire toutes les mauvaises langues. Envoyer chier les gros cons  toutes catégories. Et ce fut réussi. Nirvana, en 1992-93 mièvre une fois sur deux en concert éléctrique, reste jusqu'à la fin excellent en studio. Même le disque live  "MTV unplugged" souvent détesté par les fans branchés, est plein de bonnes choses,  j'assume mon point de vue. Et puis la dernière session d'enregistrement début 1994 aux studios de Robert Lang a généré des choses intéressantes (au moins pendant les quelques heures où Cobain a daigné se pointer), même si les chansons étaient des ébauches. En effet, la seule finalisée est un tube en puissance: "You know your rights", promettant un prochain album rempli de bon matériel. La vie en décidera autrement.

 In utero cloue le bec au grunge, en finit avec lui, le roue de coups, le met hors d'état de nuire, et une fois la sale besogne achevée, il se paye le luxe de fournir un aspect novateur, un futur annoncé prometteur. C'est une porte d'entrée dans la salle d'acceuil d'un nouveau genre. On peut aussi, hélas, le voir comme le chant du cygne du genre. En gros, la fin du rock'n'roll, du vrai. Car depuis, je n'ai plus jamais autant frissonné en écoutant un disque de rock. Du début à la fin, il me scotche sur ma chaise. C'est un disque certes dur à écouter, mais sacrément poignant, au point de n'avoir pris aucune ride vingt ans plus tard. On est là loin d'un sous-genre musical comme le rock indé, on est dans le domaine de l'excellence musicale, on a dans les

oreilles un chef-d'oeuvre général, tous styles confondus, susceptible de marquer les esprits de tout bon amateur de musique, même

éloigné du rock 'n'roll.

A bon entendeur. 

 

5 février 2014

LES LABELS QUI ONT UNE AME (part 2) (article)

     
   Les balbutiements des labels indépendants durant les années 1920-1930 ont pour un moment
pallié à l'absence de structures réelles pour les musiques encores mineures à l'époque (essen-
tiellement musique noire). Mais ces labels allaient être bientôt couler sous le poids de la crise
de 1929, soit être avalées par les grosses firmes,ces dernières sentant que ces musiques, pour
exemple le blues,prennaient de l'ampleur et trouvaient un public croissant.
Les majors companies créerent donc des séries spéciales pour les disques noirs ("race series")
et pour la musique blanche "old-time", en marge de la variété dominante.

  Ce fut donc la fin de l'ère des labels indépendants "primitifs". Mais à partir des années quarantes,
des groupuscules passionnés (au moins autant par la musique que par l'argent) mettent sur pied des
maisons de disques visant des genres précis qui pourraient trouver un marché interressant, tout en
plaçant l'approche artistique avant l'approche mercantile. En guise d'introduction, je passe en revue
quelques labels fameux de cette période, aînés de ceux que l'on examinera plus tard. BLUE NOTE est crée 
en 1939, crée par Alfred Lion, et prends le train du "bop" et "hard bop" en marche, sortant du Miles
Davis, Theolonious Monk, Sonny Rollins. VERVE Records apparait en 1956 et se spécialise dans les grands
classiques, de Billie Holiday (sur la fin) à Lester Young en passant par Bill Evans ou Ella Fitzgerald.
Atypique, Verve sort dans les années 1960 le premier album du VELVET UNDERGROUND et du groupe de Frank
ZAPPA, the MOTHERS OF INVENTION!
  MOTOWN émerge également à la fin des fiftees à Detroit, Michigan. Son influence n'est plus à démon-
trer et ce fut un véritable fer de lance pour les artistes soul comme les Jackson Five, Steve Wonder,
les Temptations ou Marvin gaye.
  CHESS records, né en 1947 à Chicago et fondé par les frères du même nom, donne dans le rythm'n blues,
le blues urbain et le rockabilly naissant. Leur catalogue est rempli d'illustres noms tels Howling Wolf,
Bo Diddley, Chuck Berry, John Lee Hooker ou Buddy Guy.
  SUN records est le frère cadet (né en 1950) et nage dans les mêmes eaux que Chess, signant d'abord des
artistes noirs bluesy puis accompagne avec ferveur et intelligeance la copulation entre musique country,
blues et rythm'n'blues, ce qui fait de ses nouvelles sorties des tubes de Rock'n'roll! En effet, Chess
et Sun furent les catalyseurs de cette effervescence du milieu des fiftees, et Sam Phillips, dirigeant
et producteur chez Sun, eu bien du nez en prenant sous son aile "un jeune blanc féru de country qui
chante comme un noir", Elvis Presley, qui casse la baraque en 1954 avec son premier disque: sur la pre-
mière face, une reprise de "That's all right mama" du bluesman Arthur Crudup et de l'autre côté une re-
prise du standard bluegrass de Bill Monroe "Moon of Kentucky".
  En 1959, Chris Blackwell fonde le label ISLAND en Jamaïque et se spécialise dans le reggae: il signe
Bob Marley, Jimmy Cliff, les Skatalites et bien d'autres. En 1968, Island prend un virage étonnant et se
lance dans le folk-rock avec Fairport Convention, Jethro Tull ou King Crimson.
  Ce bref exposé de quelques uns des labels indépendants du milieu du 20è siècle me sert simplement d'in-
troduction pour vous exposer et vous conseiller quelques noms de labels plus tardifs, nés sur les cendres
de ces maisons de disques pré-citées, qui furent pour la plupart liquidées ou avalées par les grandes pattes
des major compagnies. Certains résistent encore (Blue Note se diversifie et sort Norah Jones dans les
années 2000) mais ils sont rares. C'était une autre époque, et je m'en vais vous parler d'une période
plus récente, disons du début des années 1970 aux années 2000.

    Commençons par l'aîné de tous ces labels, qui, me semble t'il, reflète avant l'heure le véritable esprit
d'indépendance et d'intégrité artistique, servant de modèle aux structures évoquées dans la suite de mon ar-
ticle. ESP était à l'origine destiné à promouvoir de la musique en langue Esperanto, chose audacieuse quand
on pense au faible impact qu'eu ce dialecte mort-né, ses créateurs utopistes rêvant d'une unification lin-
guistique qui n'arriva jamais. Il s'agissait donc bien-là d'une démarche avant-gardiste, et cela en dit long
sur la suite des opérations chez ESP. Fondé en 1964 à New-york par le juriste Bernard Stollman, le label af-
fiche d'emblée la couleur en imprimant sur ses sorties:"You never heard such sounds in yr life". Véritable
allié du mouvement free jazz, puis electro-jazz, il produit Albert Ayler, Ornette Coleman, Sun Ra, ou Don
Cherry, entre autres allumés de la musique d'improvisation. Ses différentes séries représentent l'évolution
du label, la série 1000 faisant dans l'écléctisme et diversifie ainsi leur catalogue: Pour preuve, les sor-
ties de groupes "folk" et "rock", entre guillemets car largement éxpérimentaux et psychédéliques, pas si loin
dans l'esprit, du jazz free auquel ESP avait habitué ses auditeurs. Parmi cette série on peut citer les Fugs
de New-York, camarades de classe du Velvet underground, Pearls Before Swine, au minimalisme claustrophobique
et suffocant, les Holy Modal Rounders, fêlés férus de country old-time qui ont virés dans le blues psyché après
leurs deux premiers albums folk.Enfin, on y trouve aussi des disques de William Burroughs, spoken words sur du
son saignant. La série 3000, quand à elle, revient à la conformité d'un jazz plus commercial, avec des opus tels
ceux de Billie Holiday ou Charlie Parker. Mais ESP n'oublie pas ses racines et sort encore à cette époque des
disques free.
C'est ce label que j'ai choisi pour introduire ceux dont nous allons parler, car il me semble que c'est un modèle
d'intégrité. Sur certains de leur pressage, n'inscrivaient-ils pas "The artists alone decide what you'll hear on
their ESP-discs"?

      La liste suivante de labels est bien sûr exhaustive et ne découle que de mes goûts personnels. Libre à vous
de vous faire une opinion et de creuser plus loin pour découvrir de nouvelles musiques dignes d'intérêt. Le premier
des labels indépendants post-seventees et post-ESP, est NEW ROSE, fondé par des parisiens. En 1980, Patrick Mathé
et Louis Thevenon tiennent une boutique de disque nommée d'après un fameux titre des Damned. Le nom reste, les ac-
tivitées s'élargissent puisque quelques mois plus tard, les deux compères se lancent dans la production de groupes
punk/rock, européens ou américains car leurs contacts sont nombreux et leur aura très vaste: ainsi, The Saints,
The Cramps, Johnny Thunders, Alex Chilton (ex-Big Star!) figurent en licence française ou en contrat principal sur
New Rose Records. S'en suivent des artistes fameux dans le monde du rock, le Gun Club, Rocky Erickson, Flipper, the
Troggs, les Wampas ou La Souris Déglinguée. New Rose est l'un des rares labels français à avoir rivalisé avec le
milieu rock anglo-saxon, et ce de fort belle manière. New Rose est véritablement LA maison de disques indé en France
par excellence. Il est bien entendu que cet article touche de près les musiques populaires tels le rock et toutes ses
variantes, la pop-folk music, cela dans le cadre des labels indépendants: je suis bien persuadé que dans le milieu du
classique, ou dans les musiques traditionelles, il existe d'autres structures françaises dignes d'intérêt. J'en veux
pour preuve la première part de cet article qui traite des artistes folkloriques et traditionnelles, pour certaines
héritages de la musique populaire moderne et du rock actuel. Cette parenthèse achevée, revenons à nos moutons.

     RoUGH TRADE et MUTE records sont deux poids-lourds dans le monde des labels indés. On peut les mettre en paral-
lèle pour moult raisons évidentes, la première étant les choix artistiques très proches, puis l'époque et les diffi-
cultées de l'un et l'autre, et leur mode de fonctionnement.
Rough Trade est né à la fin des seventees, étant, comme New Rose, un disquaire (londonien cette fois). le label appa-
rait comme une suite logique après diverses activitées dans la promotion et la distribution de groupes alternatifs
émergeants en nombre à l'orée des années 80. Rough Trade met la main sur d'excellents artistes variés, mais tenants
tous à une éthique commune, dont leur label se sent proche, plus que s'ils signaient avec une grosse multinationale.
Ainsi, on trouve au catalogue les YOUNG MARBLE GIANTS (un duo venant du pays de Galles qui sort en 1980 son seul album,
un opus particulièrement attractif car un sommet du minimalisme pop naïf), PERE UBU, un collectif américain tournant
autour de David Thomas, personnage haut en couleur, père d'une new wave noisy et déstructurée. On trouve aussi MAZZY
STAR, METAL URBAIN (des punks français, des VRAIS, pas des en carton!), the T.V. PERSONNALITIES, qui est un groupe
anglais de punk mélodique, voire mélancolique, que Dean Tracy mène où bon lui semble, parfois dans des abîmes inson-
dables. Un must dans leur genre. Et puis il y a les SMITHS: ce groupe, à lui tout seul, a renfloué les caisses du la-
bel pour plusieurs années car devenu très populaire. Mais même ces derniers ne peuvent éviter la faillite de Rough
Trade dans les années 90. Mais il y a un autre mais, car le label reprends de l'envergure une décennie plus tard en
se lançant dans la mouvance new-rock des STROKES ou the LIBERTINES, très populaires aussi. Bien que racheté en partie
par une major, Rough Trade vit encore.
   Mute records est né aussi à la fin des seventees (1978, crée par Daniel Miller) et se spécialise dans l'alternatif éga-
lement, mais avec une touche éléctro très personnelle, moins rock que son cousin Rough Trade. Signant une série de
groupes pop-new wave comme NICK CAVE (l'exception confirme la règle, Cave n'est pas vraiment new-wave, bon, passons),
puis D.A.F., le label trouve sa poule aux oeufs d'or, ses "Smiths" à lui: DEPECHE MODE. Dignes d'intérêt pécunier sans
délaisser une ligne de conduite artistique honorable, D.Mode n'étant pas non plus Tom Jones ou David Guetta. C'est par-
fait pour Mute, surtout quand ses protégés décrochent le gros lot avec " I just can't get enough". La vie suit son cours
et les sorties sont épisodiquement des bonnes surprises. Je songe surtout au groupe ADD N TO X, combo electro punk bor-
délique à souhait et chef de file d'un genre excitant et novateur. Il y a aussi GOLDFRAPP, et tant d'autres. Et puis au
bout de quelques années, le label se scinde en deux avec la création de BLAST FIRST, sous-label spécialisé dans l'indé
de l'indé, souvent plus vindicatif et moins vendeur que les artistes Mute, mais fidèles en tout point à l'éthique pro-
clamée. On y trouve les premiers SONIC YOUTH (groupe culte, tout d'abord du mouvement No-WAVE new-yorkais, puis du rock
alternatif tout court, en faisant une longue et belle carrière traversant les modes sans s'y attacher, même si la fin de
leur discographie est moins prenante que leur débuts.) En vrac, toute une scène post -punk s'y engouffre, BUTTHOLE SURFERS
et BIG STICK (deux exemples de la haute qualitée de Blast first, ces deux groupes punk-noise-éxpérimentaux étants géniaux,
je pèse mes mots!) et puis BIG BLACK (premier groupe de l'ingénieur du son Steve ALBINI, qui ne fait pas dans la dentelle)
et SUICIDE (un grand classique, les seuls réussissants à mêler intimement rockabilly et electro, vingt ans avant tout le
monde) et dans les plus récents, the LIARS (les seuls à réussir à me faire croire que le punk existe encore, sous une forme
bien dérangeante. Mais déranger n'est-il pas une prérogative du punk?), ERASE ERRATA (un bon groupe de scène).
Resté indépendant jusqu'en 2002, s'en suit un bric à brac de rachat de Mute par EMI, puis Universal, enfin, des histoires
de gros sous dont on se fout royalement. Il reste tout de même que Mute existe même sous l'aile d'une grosse machine, et
cette durée est sûrement preuve de bon choix et bon goût.

    TOUCH AND GO est né en 1981, crée par Corey Rusk à Chicago. Il est dans la pure lignée des labels post-punk servant de
relais au mouvement alternatif des 80's, époque où presque chaque grand ville avait sa scène indé, avec labels, fanzines,
salles de concerts et radio libre. On peut citer DISCHORD records à Washington DC, SUB POP à Seattle, SST en Californie,
ZE records à New-York, etc. Du côté de Chicago, on fait dans le rock punk des DIE KREUZEN, THE MEATMEN, EFFIGIES. Puis
au cours de la décennie 80, la fine fleur du genre, musicalement de plus en plus variée, se trouve chez T'n'G. En effet,
sont signés SCRATCH ACID et les BUTTHOLES SURFERS ainsi que les BIG BOYS, tous trois texans (et, je me permet une intru-
sion subjective dans mon propre article objectif, ce sont trois de mes groupes de punk-rock favoris, voire MES trois
groupes favoris, le tiercé dans l'ordre ci-dessus). Le label se permet (il le peut) de plus en plus d'écarts musicaux,
produisant autant de la "noise" de Chicago pur-jus, un son qui devient populaire à la fin des années 80 avec RAPEMAN, the
JESUS LIZARD, MULE, que de la musique instrumentale à mi-chemin entre douce mélancolie et fureur orchestrée (DIRTY THREE,
DON CABALLERO) ou bien ce que les journalistes appellent alors du post-rock, ou math-rock (SLINT, JUNE OF 44).
La réputation de ce label atteint des sommets dans la sphère rock des années 1990 et l'émergeance de la musique alternative
au niveau du courant dominant ("mainstream"). De ce fait, plusieurs des groupes signent sur des maisons plus grosses et plus
rentables pour eux, ce qui leur permet l'accès aux gros médias et une promotion à grande échelle. Un litige s'étalant sur des
années oppose durant ces années-là les BUTTHOLE SURFERS (fraichements signés sur une major) à T'n'G. Enfin, histoires de gros
sous dont on se fout royalement. Le label chicagoan fonctionne encore, et s'est encore diversifié, a signé des artistes comme
COCOROSIE qui ont eu un relatif succès aux USA et en Europe. On peut citer aussi BLACK HEART PROCESSION ou TV ON THE RADIO
comme les signatures récentes ayant bien fonctionnées.
Il faut noter que Touch'n'Go est la pièce maitresse d'un système de distribution comprenant une dizaine de labels, tous gérés
par le label-chef à certains niveau. Gravitent autour de T'n'G, des structures telles que SKIN GRAFT (le phare de tous les ar-
tistes les plus givrés du monde entier, ceux qui ont été nourris aux pis de la vache ESP tels que les Fugs ou Godz), ATAVISTIC,
spécialiste de la no-wave new-yorkaise avec ses TEENAGE JESUS, MARS, SCISSOR GIRLS ou GLENN BRANCA. Il y a aussi DRAG CITY, plus
porté sur le folk-rock "low-fi" (faible qualité sonore, au profit de l'idée artistique et du spontané) et THRILL JOCKEY, antre
du post-rock à la TORTOISE, SEA AND CAKE, A MINOR FOREST.

     Passons à une autre grande figure du rock alternatif, post-punk, rock indé, appelez cela comme bon vous semble. Ce qui est
important est de relier TOUCH'n'GO à SST, label californien crée en 1978 par Greg Ginn, à peu près dans la même optique que celle
qui a donné naissance à T'n'G, Sub Pop, et consorts. C'est à dire une forte conviction, un désir de rupture avec le monde de la
musique commerciale, la musique diffusée en boucle dans les supermarchés, qui s'avère souvent mièvre et pauvre, même si la plu-
part des gens s'en contentent (faute de mieux? ou par choix? le débat est rude). Le poids de la politique de Reagan marque la
musique rock des eightees et force les artistes les plus originaux, donc les moins populaires, à défendre leurs droits et à s'op-
poser au marasme dans lequel le président des USA plong le pays. Il y a donc réaction de la part de ces jeunes gauchistes en jeans
troués qui fondent des groupes, des fanzines, des labels, dont SST. Si Greg Ginn, au départ, avait pour but de sortir les seuls
disques de son groupe BLACK FLAG, il s'est bien vite rendu compte du potentiel des groupes de new rock engagé (pas forcément poli-
tiquement, mais au moins au niveau de la démarche artistique) qui sillonaient les States et ne demandaient qu'à être produits par
des gens intègres, loin du star-system. Parmi ces groupes signés sur SST durant les années 80, outre BLACK FLAG et son hardcore
mi-speed, mi-lourd, il y avait les BAD BRAINS, hybrides du punk-rock et du reggae nerveux, les MINUTEMEN, une formation à la sec-
tion rythmique technique (le batteur aurai pu être jazzman) et au chanteur (Danny Boon, décédé très tôt par accident) généreux et
plein de vie. SONIC YOUTH a également sorti quelques galettes chez SST. HUSKER DU est un groupe majeur et a influencé les rockers
des 90's en leur apprenant à allier nervosité et mélodie. DINOSAUR JR a lui aussi eu un grand rôle dans l'avenement du rock indé
et leurs chansons au son sale, leur allure négligée et nonchalente, une version de Neil Young and Crazy Horse des 80's a fait
mouche et bien des émules, surtout du côté nord-ouest des States, dans les chaines stéréo de Mark Arm ou Kurt Cobain.(un grand fan
du label). Enfin, l'une des plus importantes signatures autant commercialement qu'artistiquement de chez SST est celles des MEAT
PUPPETS. Actifs depuis 1981 avec un premier EP, suivi en 1982 de Meat Puppets 1, puis le 2 dans la foulée. Le combo des frères
Kirkwood (Curt et Kris) accompagnés de Derreck Bottom à la batterie, ne ressemble d'emblée à personne. Un jeu funky et vif, des
aigus criards, et du psychédélisme à souhait. D'abord furieuses, les chansons des Puppets se sont assagies tout en gardant un grain
de folie, et un sens du songwriting qui n'était pas mis en valeur sur le premier disque. Ce premier opus hardcore est excellent, mais
la qualitée des compositions qui émerge sur "2" et "Up on the sun" est encore plus jouissive. Grandement influencés par Creedence,
Neil Young et Woody Guthrie autant que par Black Sabbath et les Stooges, les Puppets auront leur heure de gloire bien méritée à l'au-
be des années 1990, signant sur une multinationale et passant en boucle sur MTV. Le succès commercial de Nirvana entraine dans son
sillage de nombreuses formations moins connues, et les Puppets vont profiter de cette vague, d'autant plus que Kurt Cobain, en bon
fan du groupe, les cite souvent en interview et les invite à jouer en live pour une session "MTV Unplugged" en novembre 1993.
Leur album le plus connu sort en plein boom du rock indé, et se nomme "Too high to die", contenant un tube radiophonique parfait,
"Backwater". C'est l'époque où beaucoup de groupes ayant grandit sur des petits labels signent avec une major. Les artistes de SST
n'échappent pas à la règle et les Meat Puppets aussi bien que pas mal de leurs camarades accèdent à la grande distribution.
   On peut, grâce à des exemples comme Touch'n'go ou SST, se rendre compte du rôle qu'ont joués ces labels indépendants dans les
années 1980: ils ont fait office de propulseur pour des artistes qui tournaient dans le seul circuit indé puis qui, sous l'impulsion
du " Seattle sound" (entre autres), se sont vu offrir une place plus confortable dans le business. En fait, sans l'aide de SST, T'n'Go,
Sub Pop, Dischord et autres, l'avenement du punk des 90's (1991: "the year punk broke") aurai été différent ou n'aurai pas été.

     Parlons désormais d'un autre indépendant: le label 4AD, fondé en 1979, signant à la pelle des artistes anglais, américains, aus-
traliens et autres. Initialement, la ligne de conduite, musicalement parlant, est de collaborer avec le "must" de la scène dark/new-
wave. En gros, de la musique austère et sombre, pas forcément violente (mais parfois oui) et souvent assez athmosphérique. C'est la
première période de 4AD, avec des groupes tels que COCTEAUX TWINS, DEAD CAN DANCE, BAUHAUS. La première formation avec NICK CAVE au
chant, BIRTHDAY PARTY, est de la partie. Leur répertoire est composé de chansons noires, évidemment, mais avec un trait personnel:
une rage explosive et malsaine, absente de chez les autres signatures 4AD de l'époque. Ce groupe est reconnu pour ses prestations
scéniques brutales et surtout prenantes et ennivrantes. Des auteurs spécialistes du rock comme Nick Tosches ou le grand Lester Bangs
le considère comme LE PLUS GRAND GROUPE LIVE. Les albums reflètent cette odeur de souffre, ce ressenti inquiétant, au bord du gouffre
et du vomi. Le chant de Cave, d'ailleurs, est parfois un mélange de bruitages vomitifs, de râles, de toux, de gémissements. Tout est
fait pour désapointer le public. Du coup, soit l'on adore, soit l'on déteste!
Les années 80 meurent, et 4AD renouvelle sa garde-robe: le label ressent le mouvement, la fin de la new-wave et le monde alternatif
qui fourmille de bons groupes. les PIXIES signent, et avec eux 4AD s'assure un succès d'estime également commercial (le single "Where
is my mind?"). Le groupe de FRANCK BLACK est une valeur sûre pour le label, et le label est une valeur sûre pour le groupe. Black
saisit l'opportunité de signer un contrat avec 4AD pour son propre compte, pour ses albums solos. Les BREEDERS sortent également des
disques sur le label. L'une des formations-satellite de ce petit monde est THE AMPS qui réussit un chouette album toujours sur 4AD.
Au côté de tout ce microcosme, deux filles du nom de Tania DONELLY et Kristin HERSCH, américaines aussi, forment le groupe appellé
"THROWING MUSES". Leur premier album est l'un des chefs d'oeuvres de la maison de disques. Madame Hersch copie Monsieur Black et
s'impose, sur 4AD, comme artiste solo, et à la fin des Muses, elle se lance dans une carrière très réussie car la jeune femme est
pleine de talent, jouant tous les instruments et composant paroles et musiques. Il est cependant à noter que l'un de ses meilleurs
opus, "Hips and Makers" est sorti sur SIRE et non sur le label habituel. Différends artistiques? Encore des histoires de gros sous
dont on se fiche bien? Bref, 4AD s'impose comme une structure-phare du rock dès les années 80, pérénise cette réussite durant les 90's
et réussi à préserver sa place encore actuellement avec des signatures comme DEERHUNTER, l'un des plus fameux groupes en activité,
ou le dernier album solo de Jay MASCIS.

   Continuons ce tour d'horizon avec l'écurie MATADOR, qui apparaît en 1989 à New-York. Chris Lombardi et Gerard Cosloy s'associent et
montent peu à peu un catalogue exemplaire en matière de musique pop-folk-rock (Grosso modo, moins bruitiste que le son de Sub Pop ou
SST, plus axé sur des artistes minimalistes à la Drag City ou Domino records). Si la fureur et les guitares saturées ne sont pas le
genre de la maison (à quelques exceptions faites), le discours, les méthodes et la politique sont en outre directement héritées des
labels punk-rock et indie-rock des années 80, ceux-là même que l'on a évoqué plus tôt. Musicalement, comme je vous l'ai dit, la cou-
leur est au folk contemporain et au rock mélodique et minimaliste, parfois très foutraque et cradingue ("low-fi"). En 1990, Matador
sort le premier album de TEENAGE FANCLUB, formation écossaise qui fait un tabac. S'en suivent beaucoup de très bons disques. Parmi
les plus fameux, on peut citer les productions de CAT POWER, THE FALL, GUIDED BY VOICES, YO LA TANGO, PAVEMENT (un autre gros coup
pour Matador),plus récemment ARAB STRAP, INTERPOL ou STEPHEN MALKMUS (leader de Pavement en solo). Aujourd'hui associés à un autre
label indépendant (Beggar's Banquet), les deux gars new-yorkais fondateurs de Matador ont choisis tant bien que mal de continuer sur
la voie de la liberté après avoir été courtisé par diverses grosses maisons de disques (encore des histoires de gros sous dont on se
fiche éperduement...à moins que ce soit très important et d'un grand intérêt!). Le dernier album en date de chez Matador que j'ai
écouté est le premier effort solo de Thurston MOORE, et ce disque colle bien à l'image du label.(même si je ne suis pas fan du disque).

   Pour clôturer cet article, je souhaite dire deux mots sur une structure qui, pour moi, est dans la continuité des ESP, New Rose
et cie: un label anglais qui clame haut et fort sa singularité et son désir d'exploration sonore. Il s'agit de BIG DADA, crée en 1997.
Loin des convenances exacerbées du hip-hop actuel et, malgré des racines visibles, loin du hip-hop tout court, des groupes tels les
projets d'AnTICON, le groupe CLOUDDEAD, CANNIBAL OX, EL-P, créent une musique pertinente et la notion de collectif et de label prend
(ou reprend) tout son sens. En effet, les gens impliqués dans Big Dada (en fait une division de NINJA TUNE) et dans le cercle d'artis-
tes nommés ANTICON mettent en avant une forte identité, cohérente et diffuse à la fois, concise et farfelue en même temps. Big Dada
produit une musique aux frontières de multiples genres (electro, hip-hop, rock, jazz). Les meilleurs disques du label sont le premier
Cannibal Ox et "Ten" de Clouddead. Ce dernier est réellement passionnant, il vous fait frissonner et vous scotche à votre siège.

     En deux articles, j'ai voulu faire partager et faire découvrir des pans de musique qui nous sont offerts (enfin, bon, les disques
ne sont pas gratuits!) par diverses associations de passionnés, ayant monté des structures permettant la promotion et la distribution.
De YAZOO et ses albums de musique amérindienne, de country-blues ou de folklore polonais, à NINJA TUNE, il y a tout un monde, mais
surtout il y a des acharnés, des travailleurs qui agissent par, et grâce à la passion. Alors qu'il s'agisse de labels de rééditions
ou de labels à la pointe de ce qui se fait de mieux présentement, l'essentiel est de préserver et de supporter les labels qui ont une
âme, ceux qui triment pour mettre en valeur un patrimoine culturel riche et dense. L'époque à laquelle nous vivons nous interdit d'avoir
beaucoup de certitudes, car tout change vite. Et puisque c'est le cas dans le domaine du disque, personne ne peut vraiment prévoir ce
qu'il adviendra des labels indépendants et même des maisons de disques en général dans quelques années. S'il n'y a plus de support
matériel pour écouter la musique, est-ce pour autant la fin des labels? Rien n'est moins sûr, mais des mutations sont nécessaires, c'est
bien la seule chose qui soit sûre. Tant qu'il y aura une âme...

Publicité
Publicité
5 février 2014

DEERHUNTER:Monomania (chronique)

  J'en suis venu à apprécier DEERHUNTER à sa juste valeur progressivement, à force d'être intrigué.
L'intrigue m'a poussé vers l'écoute en boucle et peu à peu tout a pris forme.Ce n'était pas chose
facile, car il fallait passer outre ce marasme brumeux,ce mur flou et épais mélangé à des notes
cristallines qui caractérise leur son. Mais j'ai su qu'il y avait matière à creuser, à se laisser
emporter dans cet univers étrange, particulier, personnel(c'est chose rare à notre époque). Ces
chansons boueuses de prime abord se sont révélées pour m'atteindre en plein cerveau.Il y a des
disques qui nous parlent immédiatemment, et d'autres qui demandent de la patience:ceux de DEERHUNTER
m'ont fait cet effet-là.Une fois le cap franchi, plus rien n'arrête la jouissance.
Le groupe d'Atlanta,GA, s'est révélé à moi avec l'album "MICROCASTLE" et pour les raisons exposées
ci-dessus, je me suis procuré les autres opus.

   En 2012 sortait "HALCYON DIGEST", plus ténébreux et lancinant que jamais.Qu'allaient t'ils faire
ensuite? Et bien, être pertinent. Sortir de leurs gonds. Réagir. La réaction s'appelle "MONOMANIA".
En écoutant le chant de Bradford Cox, on pense réellement à un album de maniaque, d'obsédé. Une ga-
lette malsaine, pleine de furie contenue, avec son lot de mélodie.Jusqu'à présent,Deerhunter était
pour moi un bon groupe de rock psychédélique, mais trop attaché à MY BLOODY VALENTINE et SONIC YOUTH.
Avec Monomania, ils réalisent la prouesse d'être encore plus singuliers en injectant dans leur son
une dose de démence à leur jolie pop boueuse éxpérimentale. On peut y voir un pied de nez aux pro-
ductions précédentes: plus brutes, les chansons s'enchainent littéralement sans une seconde de répit.
(un effet des plus efficaces).Soit la fureur éclate directement, soit le calme apparent cache une
tension extrême.

  C'est un vrai album des années 2010, car le groupe sonne actuel, contemporain.Ils ne donnent pas
dans le revival ou la nostalgie.C'est bon d'entendre cela en 2013 car la base du rock'n'roll est là,
mais le traitement est on-ne-peut-plus moderne.Dès l'ouverture, on se laisse porter par les chansons
malsaines de Cox: "Neon junkyard", premier morceau, met les choses au point. "Leather jacket" est
totalement déjanté dans le style BUTTHOLE SURFERS/REVOLTING COCKS."MALADE ET DANGEREUX", ce n'est
pas moi qui le dit.
Deerhunter fabrique des ambiances à partir de petits motifs insignifiants, presques naïfs et idiots.
Pour exemple le splendide "the missing" (signé par le guitariste Lockett Pundt) et sa mélodie à deux
notes."Pensacola", parfaite bande-son pour un après-midi de promenade en hôpital psychiatrique. On se
prend à vouloir danser sur "dream captain" en pensant à IGGY POP période Nightclubbing."Blue agent",
un peu moins maniéré, "T.H.M." suggère encore quelques pas de cha-cha-cha sur un fond lancinant et
halluciné. Bancal et tordu, au bon sens du terme.
Arrive "Sleepwalking", chanson dans le plus pur style du Deerhunter pré-Monomania. Il pourrai figurer
sur un autre de leurs albums sans dénoter.La fin de ce morceau est d'une beauté toute particulière.
"Back to the middle", au riff funky, reste un morceau moyen, en tout cas si on le compare au chaotique
"Monomania" qui suit. Feedbacks, bruitages, moteurs de motos qui ronflent.
"Nitebike" pourrait être le slow, la chanson pour frimer et draguer, sauf qu'il y a un problème. Cox
chante de manière dangereuse. Il lui faudrait de toute évidence une camisole de force.Tout compte fait,
les prétendantes vont se barrer très loin, effrayées, tant pis pour les zicos et leur envie de copuler.
Le disque finit sur "Punk" assez représentatif de l'ensemble, mélangeant calme tendu et décadence,
proche, dans l'esprit, des New york Dolls.

  J'aime la désinvolture de ce disque. Bradford Cox est d'ailleurs coutumier de ces ambiances explorées
au sein de son projet solo Atlas Sound.J'aime les paroles cinglantes et cinglées, profondément humaines,
j'aime leurs visuels, leur pochettes qui collent parfaitement à cet univers ( pour les rares personnes
qui voient encore les pochettes et qui achètent des vrais disques).J'aime ce qu'ils deviennent: ils ont
préservé leur son tout en évoluant vers des eaux moins boueuses. Ils se remettent en question, et sont
un des rares groupes actuels à savoir préserver cette dangerosité et ce toupet qui manquent tant au
rock d'aujourd'hui, si l'on peut encore parler de musique rock. Un bel exemple d'intégrité et de culot.
Achetez Monomania.

5 février 2014

QUI EST PUNK, QUI EST PIUK. (article de divertissements)

   La bonne humeur du mercredi m'incite à pondre un petit article léger. C'est sur le ton de la
rigolade, la plaisanterie, la fiesta même, que je vais parler de PUNK. Punk? C'est déjà risible
rien que de le prononcer. On sait que c'est, comme toutes les étiquettes commerciales, un terme
galvaudé, piétiné depuis longtemps. Il était même enterré avant de rencontrer le grand public.
Mais qui est-il? D'où vient-il? Formidable robot, des temps nouveauauauaux, c'est le grand GOldO-
RAK.;. hum hum, désolé pour cet élan de mauvais goût, mon café était très corsé.
   Je considère cet article comme léger car son sujet ne signifie pas grand-chose, mis à part ce
que le public veut qu'il signifie pour lui. Chacun est libre de voir punk à sa porte. Chacun dev-
rait s'approprier des notions subjectives pour les objectiver soi-même. Faire de ses idées des
cerveaux, des moteurs pour qu'existent VRAIMENT des styles culturels, artistiques non pas nés de
chiffres de ventes pour tel album ou tel livre, ou du style vestimentaire d'une pseudo-
star, mais plutôt d'un ressenti personnel, intime, que l'on souhaite faire partager (ou pas).
Bref, parler de "punk" est devenue une blague, même plus que des autres styles musicaux. En effet,
le Bluegrass ou le free-jazz n'ont pas été bousillés par l'exposition à un fort niveau commercial.
Car le punk ne signifie pas seulement musique punk, mais aussi vêtements, attitude, mode de vie, et
tout cela a été montré au grand jour, certes de façon trouble, mais vous trouverez plus de gens dans
la rue qui pourront vous parler de punk que de musique amérindienne traditionnelle ou de be-bop.
Il faut bien avouer qu'un mec plein de percings, un tee-shirt troué sur un perfecto plein de badges
et coiffés d'une iroquoise est plus marquant qu'un autre en petit pull rayé, les cheveux à peine longs
sur l'arrière et un petit  autocollant de Coltrane sur sa serviette. Encore une fois, traiter d'un
terme aussi abstrait que le punk, bien plus que d'autres styles musicaux, un terme qui signifie
"aller à l'encontre du courant dominant" et qui est avalé par ce courant, ne peut être trop sérieux.
Après avoir éclairci quelques notions-clés, je listerai des artistes qui m'évoquent le punk au sens
large, et je tenterai d'expliquer le pourquoi de ces rattachements.

Il me semble que la notion de Punk dans la musique et dans l'attitude (style vestimentaire, engagements
divers,...) est intimement liée au monde occidental et à la société capitaliste, disont, depuis sa for-
mation après les révolutions industrielles, et son hégémonie actuelle.
C'est la notion culturelle d'occident, liée à la dérive du blues, country, jazz et rock. Tout ceci est
clairement rattaché à notre petit monde, et même si ces musiques sont nées avec le folklore et la tradi-
tion, elles sont désormais et depuis longtemps rattachées à l'urbanisation et au système mondialiste et
capitaliste. Notre système a engendré une culture dominante (dans la musique, mais pas seulement) qu'on
appellera "MAINSREAM" et par Action-Réaction, une contre-culture. Première question: Depuis quand peut-
on parler de contre-culture, qui et quoi ont participés à l'élaboration de cette contre-culture, grande
maîtresse du punk? Peut-on parler de "punk" pour des actions ou des personnes datant d'avant la société
de consommation? Y at'il eu des Punks préhistoriques? Nous allons faire comme si. Nous allons essayer de
trouver des ancêtres, des précursseurs.
Parlons éthymologie: le mot "punk" est vieux de plusieurs siècles, au moins utilisé depuis le 17ème. Il
fait parti du language familier, et signifie à peu près "jeune escroc, gangster, voyou ou truand" (ren-
seignement tiré de Wikipédia). Si l'on comprend assez vite l'assimilation et le pourquoi d'une telle
origine, force est de constater que le sens a bien changé avec les années (Si ce n'était pas la cas, on
ne compterai plus les tueries pendant les concerts punk et la musique serai plus dangereuse que les
accidents de la route).
Le sens du mot s'assouplit donc au fur et à mesure des décennies, jusque dans les années 1950 où il ne
signifie plus que "personne louche, mal fagottée". En mars 1970, il fait enfin irruption dans la musique:
une chronique d'un album des FUGS, groupe new-yorkais, rapporte qu'il s'agit de chansons punks. C'est plus
précisément le leader du groupe, Ed SANDERS, qui est associé à ce terme. En Décembre de la même année,
le fameux critique-écrivain LESTER BANGS, dans le magazine CREEM, qualifie Iggy POP et ses STOOGES de
sales punks ( dans la bouche du fan absolu qu'est Bangs, ce n'est pas une insulte, au contraire).
Dans la foulée, plusieurs artistes ou groupes sont affublés du même terme.
Vers 1975, "punk" est le nom d'un nouveau magazine consacré à la musique en marge du Mainstream. Le mot
se popularise vite et nomme désormais toute une scène alternative émergeante aus Etats-Unis, surtout à
New-York autour du club CBGB. On nomme "punk", peu à peu, tout et n'importe quoi. Et quand un mouvement
de masse arrive en Angleterre en 1977-78, il est considéré comme la naissance du punk. Les journalistes
à sensation remplacent les critiques musicaux, tout devient punk, et la contre-culture est alors partie
intégrante du Mainstream. Il s'agit désormais de fringues (le véritable uniforme punk est vraiment mar-
rant à voir), de coupe de cheveux, de rebellion de pacotille à tout-va, et de moins en moins de musique.
Après la grosse vague anglaise, dans les années 1980, l'art reprend un peu sa place dans le monde alter-
natif, avec des groupes désormais ancrés dans la "New Wave". Le punk est alors une mode parmi tant d'autres.
  Une nouvelle percée dans la courant dominant a lieu au début des années 1990, avec le succès du rock
indépendant qui a fourmillé dans l'underground pendant toute une décennie. A partir de là, il est difficile
de savoir vraiment où est le punk. Il a semble t'il quitté le domaine musical au niveau du mainstream.
Des artistes peu connus du grand public innovent encore  mais le punk en temps que mouvement ayant un poids,
une influence sur la société, est bel et bien mort depuis des lustres. Il faut chercher ailleurs ce qui a
animé toutes ces idées qu'on a pu nommer "punk" (escroc, gangster, truand!).
 
   " L'habit ne fait pas le punk" (hé oui, c'est de moi.) et s'il fallait qualifier de punk des artistes qui
n'eurent jamais le look, le style, et les codes qui vont avec, je le ferai avec quelques bluesmen et blues-
women des années 1920-1930. Surtout, je pense à CHARLEY PATTON: ce gars avait une façon de jouer (et de vivre)
en dehors de toutes les convenances de l'époque et inspirait ce qu'on nommerai aujourd'hui, une attitude
rebelle. Ne pensant qu'à jouer sa musique, boire du whiskey et fricoter à droite ou à gauche, il est l'insti-
gateur du mode de vie "Sex, drug, and rock'n roll", n'étant certainement pas le premier, mais le plus connu
à une période donnée. Sa voix rauque et erraillée, son jeu de guitare épileptique et violent, Patton jouant
autant sur les cordes que sur le corps de son instrument (il se servait en fait de la guitare comme d'une
percussion, la frappant en rythme avec ses poings), tout cela nous renvoie à l'image que l'on peut se faire
d'un ancêtre du punk! Patton vécu sa courte vie avec excès, enregistrant massivement entre 1929 et 1934, date
de sa mort prématurée dûe a ses frasques alcooliques. Un autre musicien sortant des disques à la même période,
de 1925 à 1931, cette fois un homme blanc, qui jouait le blues de l'homme blanc, la musique folk "old-time".
Il s'agit de Charlie Poole, insufflant dans ses chansons une force et une audace remarquable. Ses rares
succès commerciaux, "Don"t let your deal go down" ou "If the river was whiskey" sont empreintes d'un grand
talent, mais son auto-destruction et son arrogance l'ont rapidement perdu. Je tiens à préciser: que ce soit
pour Patton ou Poole, ou d'autres artistes de mon article, je ne mesure pas la punkitude au nombre de litres
d'alcool ingérés. La vie débridée de ces musiciens n'est qu'un élément d'une personnalité qui englobe en
premier lieu le talent, la pertinence de leur oeuvre. On ne peut pas nier cependant que l'alcool, les drogues,
tiennent une part souvent et hélas non négligeable dans la vie des originaux, des artistes à contre-courant,
et c'est cette volonté de démarquation qui est "punk", non pas le fait qu'ils soient des toxicos notoires.
   cette période est prolongée un peu après la crise de 1929, moment où un tri radical est fait entre artistes
qui gagnent face à la récession, et les autres qui perdent leurs contrats, faute d'argent.C'est donc au début
des années 1930 que Leadbelly, chanteur noir emprisonné au pénitencier d'Angola pour une peine à vie, se fait
remarquer par John et Alan LOMAX, deux musicologues enregistrants partout dans le Vieux Sud des inconnus, en
prison, dans les plantations, sur les digues du Mississippi, etc. Sa vie est un chaos absolu et la force qu'il
dégage, surtout en chantant son répertoire de blues, folk, et morceaux de danses pré-blues. Avec l'aide des Lo-
max, il est gracié par le gouverneur d'état et se lance dans une carrière musicale. Si je cite Leadbelly, c'est
qui lui aussi fait figure de punk avant l'heure. Mode de vie débridé qu'il raconte au gré de ses textes, avec sa
voix et son jeu de guitares à douzes cordes très, très puissants, presques sauvages. Le côté cru dans son oeuvre
est une source d'inspiration pour plusieurs générations de rockeurs, et de punk-rockeurs bien plus tard.
Un des collègues de Leadbelly fut pendant quelques années le célèbre Woody Guthrie. Et c'est un autre aspect que
la puissance et les interprétations crues que je veux évoquer ici: la dimension politique et engagée du punk.
Guthrie est un rebel: il critique ouvertement la société ségrégationniste, l'aspect capitaliste que prennent les
choses dans les années 40 après la grande Reconstruction d'après-guerre. Il dénonce la pauvreté dans les milieux
ruraux mais aussi dans les métropoles du nord qui créent de vrais ghettos. Mis avec Leadbelly et PETE SEEGER sur
la liste noire anti-communiste du gouvernement américain, Guthrie inscrira sur sa guitare "THIS MACHINE KILLS
FASCISTS", tout un programme pour des jeunes se sentants exclus socialement et politiquement. C'est un peu plus
tôt, début des années 30, que le fameux accordéonniste cajun AMEDEE ARDOUIN dérangera le petit monde raciste de
sa Louisiane natale, et se fera assassiné par un blanc jaloux de son succès, suivi à la trace par des gars dési-
reux d'une petite ratonnade, qui tournera mal. Je cite cet exemple pour appuyer le fait que même à cette époque,
aux USA notamment, la vie était d'une grande rudesse, pour les noirs (et les indiens avaient déjà ramassés depuis
quelques siècles) et les ARTISTES noirs. Certains donc dénonçaient ce sort et en bavaient à cause de cela: des
punks?
Pour certains d'entre eux, le sort s'acharnait et il était courant que les artistes, bluesmen et autres, soient
en fait obligés de subvenir à leur besoin en chantant dans la rue et en faisant des disques à cause d'une infir-
mité, souvent de l'ordre de la cessité. Ceux-ci, sauf un ou deux comme le riche et célèbre BLIND LEMON JEFFERSON,
en bavaient vraiment, et cela se ressentait sacrément dans la musique d'un aveugle noir nommé BLIND WILLIE JOHNSON.
Même si se dernier avait l'appui de Dieu (il était religieux), Il donnait tout son soul, tout son blues, dans des
interprétations lugubres et violentes, sa voix gutturale faisant passer Charley Patton pour un eunuque. Punk?
   Plus tard, des années 40-50, on a eu quelques personnages hauts en couleur et totalement impregnés de leur art.
HANK WILLIAMS, adoré post-mortem par les punks 60 et 70's. JOHNNY CASH avait aussi son côté subversif. Ah! j'ai ou-
blié de parler de Memphis MINNIE, Une musicienne de blues urbain, mais influencée par la rudesse du blues-country
des années 20. Un caractère bien trempé, une femmme qui ne se laisse pas marcher dessus et qui s'impose en tant
que MUSICIENNE dans un milieu où seuls les chanteuses classiques comme BESSIE SMITH ou MA RAINEY avaient pignon
sur rue dans leurs robes à paillettes pas punks du tout. Elle ne refuse pas la bagarre, ses chansons sont parfois
des diatribes envers les hommes, sa sonorité rêche et un peu plus authentique que toutes ses consoeurs.
   Revenons aux années 50: si l'on peut qualifier d'ancêtres punkoïdes les artistes pré-cités, Il s'agit désormais
de repérer les premiers punks, appelons les proto-punks. Ils le sont dans l'esprit, pas encore dans les codes musi-
caux. je pense aux écrivains beat, dont certains ont collaborés avec des musiciens, comme WILLIAM BURROUGHS. Leur
approche nihiliste du monde et de la société colle bien à l'image que je veux me faire du punk. Burroughs, Ginsberg
ou Kerouac ont une vision assez proche des groupes de musique émèrgeants dans les années 1960: encore des proto-punks
tels les STOOGES, le VELVET UNDERGROUND, THE FUGS et toute la mouvance ESP, les formations free-jazz, SUICIDE,
CAN, et dans une moindre mesure car plus ancrés dans le commercial, tHE ROLLING STONES, THE FLAMIN' GROOVIES.
Au strict niveau musical, ces gens sont assez loin de la nomenclature punk-rock conventionnelle, telle qu'elle sera
édifiée à la fin des seventees. Mais l'attitude, l'énergie, le nihilisme est là. (Même si le punk anglais, le plus
en vogue, relève plus de l'anarchisme). Personnelement, j'adhère beaucoup plus au nihilisme qu'à l'anarchisme et donc
me sent plus proche du proto-punk américain que de ce qui arrive plus tard en Angleterre.
Iggy Pop, anti-rock star, se roule dans du verre pillé sur scène, se jette dans la foule la tête la première, souvent
défoncé à autre chose que la camomille. C'est aussi cela, le punk, le culte de l'anti-star. 

  Les années passent, et la culture dominante engendre de plus en plus de volontées subversives dans les musiques
nouvelles, le rock'n'roll en tête de liste. Mais si le terme "punk" renvoie à une branche spécifique, une déformation
rock, les deux sont parfois mêlés et fondus l'un dans l'autre. Peut-on dire qu'il y avait une once, un prémice de punk
dans le rock naissant des années 50? Peut-être un peu avec certains artistes, certainement pas les plus populaires:
ELVIS PRESLEY passe pour l'icône et le fondateur du rock. C'est faux car le rock est né bien avant son premier disque
en 1954, crée en grande partie par la musique noire. Elvis a, peut-être, juste officialisé un mélange des genres et l'a
rendu populaire et commercial. Mais revenons à nos moutons: Elvis, parrain du punk? Non. Peut-être EDDIE COCHRAN, ou
GENE VINCENT, qui jouaient une musique brute, un son de voyous.
On arrive aux années 60 et là, les choses s'accélerent pour notre punk bien-aimé: comme il est mentionné plus haut,
les écrivains Beat et surtout BURROUGHS me parraissent des bons p'tis punks, beaucoup plus que des hippies. La volon-
té de se libérer des conventions, de créer du neuf, de renverser l'ordre des choses quand elles semblent désuettes:
Voilà ce qui est vraiment PUNK! C'est le cheval de bataille de Burroughs, et à travers cela, il influence la musique
émergeante: le rock-blues des STONES et des GROOVIES, qui sont "un peu punks" (car ils mettent le chaos dans les
hotels et prennent des drogues de punk (pas de LSD) en baisant des groupies. Mais le veritable terreau du punk arrive:
le proto-punk des STOOGES, du VELVET UNDERGROUND, des FUGS, HOLY MODAL ROUNDERS, des SONICS, des SEEDS, des TROGGS et
du  jazz décomplexé de Ornette COLEMAN, Albert AYLER et Michael Greg JACKSON. Et mention spéciale pour Sun RA, plus
punk que pas mal d'autres. Tous ces gens ont en commun le désir de faire tomber les barrières, celles fixées par la
variété et la norme ennuyeuse de la musique pop. Leurs oeuvres sont des références de la contre-culture qui est peu
à peu nommée "Punk". En effet, le terme apparait, nous l'avons vus, à cette époque, avec Ed SANDERS et IGGY POP.
Ce qu'on ne savait pas vraiment nommer auparavant a trouvé chaussure à son pied. De bandit, voyou, le punk devient
musicien extrême, affranchi des limites conventionnelles. C'est une période palpitante, car en plus de se poser en
réaction face aux normes musicales, ces artistes proto-punks le font aussi face à la société entière (engouffrée dans
la consommation à tout prix, le profit comme valeur première, la peur du nucléaire, la guerre du Viet-nam...). Ils se
mettent aussi en travers de la route des hippies et du Flower Power qui pour eux est décadent et dépourvu d'utilité.
Le velvet, les Stooges et autres considèrent la musique hippie avec mépris. Du coup, des groupes se forment en réaction
à ce mouvement amorphe des années 60. Le punk n'obéit pas encore à des règles musicales précises (et tant mieux) mais
se forge en tant qu"entité idéologique. C'est, pour moi, ce terrau-là qui est le vrai punk (s'il faut en trouver un.
rappelez-vous, c'est un article marrant). Je trouve beaucoup plus punk les artistes de cette trempe que ceux qui, plus
tard, construiront des barrières et des règles à l'intérieur-même du punk qui est censé combattre cela. Au moins, à
l'époque, il soufflait un vent de révolte qui poussaient les gens à aller plus loin, extremiser les choses, et Lou REED,
SKY SAXON des Seeds, CAN, BLUE CHEER, le MC5 ou les groupes de ESP records, l'ont assimilés et comprit assez vite.

   Quelques années plus tard, au milieu des seventees, en Amérique toujours, à New-York en pariculier, se crée une scène
musicale fondée sur l'exemple des Proto-punks. Parmi- eux, on trouve les RAMONES, les NEW-YORK DOLLS, Patti SMITH, TELE-
VISION. Pour la première fois, et même si on y trouve un réel eclectisme, cette scène regroupée autour du fameux CBGB a
des codes communs: guitares aggressives, tempo souvent rapide, chant nerveux et paroles outrancières soit politiques-
anarchistes soit nihilistes. La formule basse batterie guitare prévaut et les chansons couplet-refain, sans l'encombrement
d'un solo sont une règle d'or. On a codifié le punk.
  Je vous propose une chose: Je vous ai dit depuis le début que faire un article sur le "punk" était pour moi une affaire
de second-degré (j'aime l'idée du punk et certains de ses représentants mais c'est devenu une farce depuis longtemps). Je
suis embêté car écrire et prononcer ce mot "punk" dix fois par secondes devient assez stressant et désagréable. Je sature.
Et je pense à vous, chers lecteurs, qui saturez peut-être aussi de lire ce mot à toutes les lignes.
Je propose donc de changer le mot punk en "plouf", cela sera moins réberbatif (et très idiot en même temps). Donc c'est re-
parti.
    A New-york donc, est né durant les mid-seventees le plouf-rock tel que l'on le connait, avec également son style vesti-
mentaire, son univers propre, ses règles musicales. Même si la mode "plouf" n'est pas encore là, la musique énergique est plus
ou moins violente selon les aspirations de chacun (Dans la scène de New-York, la musique plouf est variée, les règles ne dic-
tant pas encore leur loi. On peut ains assister au set de SUICIDE, duo electro-rockabilly punk sans guitare et basse, où la
boite à rythme remplace le batteur et où le chant malsain ressemble peu à d'autres groupes que l'on peut voir dans la même
soirée, par exemple les DEAD BOYS ou TELEVISION).IL faut attendre 1977 et l'arrivée des anglais pour être témoin de la nou-
velle tendance plouf. On voit à la télévision des jeunes ploufs en uniforme, écoutant les SEX PISTOLS (montés de toute pièces
par MC LAREN, ex-manager des New York Dolls avec qui il avait échoué son plan commercial), les CLASH (au moins un vrai groupe,
doté d'une conscience politique que les ploufs vont embrasser dès la lecture des interviews ou après les avoir vu en live).
Musicalement, rien n'est comparable aux américains: le conformisme est de rigueur. Des chansons à trois accords, joués vite
et sans se soucier de son accordage, le tout en rendant au public ses crachats si gentillements envoyés. Les BUZZCOCKS, les
UNDERTONES et TELEVISION PERSONALITIES relèvent le niveau en insufflant un côté mélodique et fragile à un plouf-rock tradi-
tionnel.
    
    Dans les années 80, le plouf est noyé, d'une part dans la new-wave, et de l'autre par le rock hardcore. Concernant les pre-
miers, je dis que les B'52'S, PYLON, et les CARS, c'est plouf. Dans la seconde mouvance, les texans SCRATCH ACID, BIG BOYS, DICKS,
BUTTHOLE SURFERS, c'est super plouf. Les MINUTEMEN et BLACK FLAG, ainsi que les MEAT PUPPETS sont aussi très plouf. Il y en a bien
d'autres, car le mouvement a pris de l'ampleur, et on parle désormais de "post-plouf". WIRE, GANG OF FOUR (des groupes anglais)
sont excellents dans ce post-plouf.
   Mais les styles musicaux se scindent de plus en plus de manière à ce qu'on ne sait plus qui est plouf. Plein de sous-genres de
plouf font qu'au final cela ne veut plus rien dire. Et puis, la vague de rock alternatif portant les idées du plouf qui émerge au
début 1990 ne fait que noyer le plouf dans le courant dominant, et le rend encore une fois à la mode, même si cette vague comporte
d'excellents artistes, dignes héritiers du plouf des origines,(le proto-plouf). Ainsi, pour moi, JESUS LIZARD est plouf. NIRVANA
aussi. Les MELVINS aussi.
Depuis, le plouf, musicallement parlant, avec ses règles et ses styles, est à moitié resté dans l'underground, et à moitié dillué
dans un rock confus et pas très dangeureux des années 2010.
Pour ce que je considère comme étant vraiment plouf, c'est à dire la notion de liberté artistique, de non -règles, de sincérité et de
prise de risque, tout cela s'est déplacé vers d'autres horizons, mais une bonne partie s'est perdue en chemin.

    Finissons par quelques groupes ou personnages plouf que j'ai oublié:
ABNER JAY (the last menestrel) est une sorte de bluesman rural oublié de tous et qui tourne partout en jouant dans sa camionnette
ouvrante sur les parkings de supermarchés. A écouter absolument. Pour moi, Jay est plouf.
TRISTAN TZARA, le dadaïste et ANTONIN ARTAUD, écrivain et dramaturge, ont fait de leur oeuvre quelque chose d'assez plouf, de même
que JEROME BOSCH (vous allez crier à l'anachronisme, mais j'assume).
BLIND WILLIE JOHNSON et son chant plus que gutural est un plouf en soutane.
NEIL YOUNG, de part ses choix et ses orientations plus que déstabilisantes est plouf.
ALEX CHILTON, loser éternel, est plouf.
JIM MORISSON, même si la frime est au rendez-vous, est assez plouf quand on y pense.
MO TUCKER (on a parlé de son groupe mais pas d'elle spécialement) est la meilleur batteuse plouf.
BIRTHDAY PARTY est plouf ou post-plouf.
ANDY KAUFMAN, humoriste et comédien unique en son genre, est un sacré plouf.
PATRICK DEWEARE est un plouf un peu cinglé.
     Désolé pour les ploufs que j'oublie, (Justin Bieber, Rihanna, michel Sardou... je pense fort à vous)

 A bientôt et bonne chance dans votre lecture de ce texte un peu plouf, mais aussi bien ouf.

    
  

5 février 2014

L'old-time : Washington Phillips et autres délices . (Article)

DANS LE TOURBILLON DE LA MUSIQUE OLD-TIME, WASHINGTON PHILLIPS ET AUTRES DELICES

    Tout d'abord précisons le titre de cet article: le terme "old time" renvoie initialement à
la musique pré-country. C'est simplement la désignation d'un style précis antérieur aux années
1940's. Je tiens à dire que dans cet article et dans son titre, j'utilise "old-time" pour dési-
gner de façon globale la musique traditionnelle américaine du début du siècle jusque vers les
années 1940's. Mais ce peut-être du blues rural, country-blues, des spirituals, de la musique
"hillbilly", country, folk, des mélanges de tout cela. Mon choix d'employer ce terme pour une
appellation générale des musiques afro-américaines et blanches des Etats-Unis est donc exposé.
En lisant cet article, ne prenez donc pas "old-time" pour l'appelation commerciale inventée par
les labels et journalistes, mais pour, je le répète, une nomination plus générale.
   Il m'est primordial de rendre compte d'un processus qui perdure depuis des années et qui me
pompe ma volonté, mon énergie, mon pognon, mes culottes. Bref, une vraie saloperie au pre-
mier abord. Mais en y regardant de plus près, c'est beaucoup moins grave que ça (même si mon
épouse et mon petit garçon sont parfois excédés). Avec l'âge adulte, un véritable cyclone s'est
abbattu sur moi, ou plutôt une spirale infernale dans laquelle je me mouvoie consciencieusement
jusqu'à atteindre l'oeil, le centre. Sachant bien que cet endroit, ce but n'existe qu'en rêve.
Cette vision des choses est toutefois un peu simpliste et erronnée car il s'agit en fait d'une
fouille archéologique méthodique. Une pratique selon le principe d'étude couche par couche,
chronologiquement ou par association de thêmes ou d'idées. Ca semble tordu mais je m'explique:
   Je me suis retrouvé sur le chantier de la musique traditionnelle nord-américaine (ceci dit,
le continent sud-américain n'est pas en reste dans mes goûts) et je n'en démords pas, à tel
point que je souhaitais vous faire partager cette passion. De fil en aiguille, je trouve des
artefacts, plus ou moins bien conservés et faisant office de pièces de puzzles. Cette musique
a ceci de particulier qu'elle est un "melting pot" composés d'éléments divers(européens, afri-
cains,...)qui se sont imbriqués petit à petit, lentement, pour forger une identité propre.
Il n'y a pas, sauf chez les Amérindiens, de culture millénariste aux Etats-Unis. Il y a eu im-
portation de caractères provenant des pionniers anglais, irlandais, français, ou des esclaves
africains, pour ne citer que les plus influents.

    Commencons par le début. En bon fan de NEIL YOUNG et CREEDENCE, j'aurai pu, de part leurs
influences blues, folk et country, me diriger assez tôt vers la musique traditionnelle. Ce n'est
que plus tard, après avoir pressé le rock et le punk comme des citrons pour qu'ils finnissent
par donner tout leur jus, que l'envie de partir à la recherche d'un Graal folk hypothétique se fit
sentir.
   A la base, c'est un disque offert par un ami que je ne remercierai jamais assez qui m'a mis
le pied à l'étrier."No other" de l'ex-Byrds GENE CLARK et puis un livre récent "folk et renou-
veau:une ballade anglo-saxonne". Attention, l'album de Clark n'est en aucun cas de la musique
old-time. Mais devenu fan, je chope tous ses disques, me familliarise avec la scène country-rock
de Californie. Je deviens fan de GRAM PARSONS, découvre ses influences, la connection avec des
artistes qu'il reprends et qui datent des années 1920/1930. Les hippies-cowboys de L.A. me
refilent de l'or en barre. La guitare steel, le fiddle, c'est tout frais pour moi et je veux
savoir d'où cela provient. En même temps, je découvre le "folk revival" new-yorkais, bien que je
n'ai jamais aimé Bob Dylan. Je penche du côté de TIM HARDIN, FRED NEIL. Ces derniers se mêlent à
des plus vieux, de grosses pointures qui refont surface. PETE SEEGER et LEADBELLY, WOODIE GUTHRIE
et CISCO HOUSTON. Je tombe sur HANK WILLIAMS et TOWNES VAN ZANDT, qui sont deux énormes claques.
Et peu à peu je remonte le temps.

   Je découvre que les invités d'honneur des festivals folk 60's ont débuté leur carrière trente
ans auparavant. Je perçois aussi que deux grandes branches scindent la musique folk: les noirs
et les blancs. La musique country-blues et la musique hillbilly (pré-country). Cette scission
n'est qu'apparente, comme le prouve HARRY SMITH et son Anthology of american folk music, qui
démontre que les racines sont les mêmes, et comme on le verra plus loin dans cet article, ces
deux mondes se mêlent et s'entremêlent en permanence.Fini les étiquettes
à la con. En quatre volumes de deux LP's, Smith expose le meilleur de la musique "old time"
et toutes ses variétées, peu importe la couleur de peau ou les instruments utilisés.
Le mot d'ordre est: une musique proche des racines, de la tradition ET surtout profondément
humaine et "populaire" (en tout cas non-élitiste).La découverte de Harry Smith m'a fait plonger
la tête la première dans un monde ou se cotoient des artistes de milieux géographiques, sociaux,
raciaux, musicaux différents. D'un blues rural du delta, je passe à une musique des Appallaches
avec fiddle, à un chant spiritual a cappella dans une église Baptiste de Virginie. Du blues raffi-
né et presque jazzy de LONNIE JOHNSON, au pionniers de la musique CAJUN, des cow-boys chantants
au JUG-BANDS de Memphis.C'est bien sûr le fond qui importe, et non la forme. Je m'explique:

     La musique du début du 20è siècle nous offre une belle représentation, un panorama des USA
de l'époque. Les Etats-Unis sont pieds et poings liés à leur culture musicale car elle est partie
intégrante de la vie du peuple, et cela dans tous les milieux et classes sociales. Petits enfants
d'esclaves, mineurs du Kentucky, paysans ou urbains du Nord industrialisé. Nous français ne con-
naissons pas ce rapport à la musique.
   John Cohen, du groupe néo-folk "the NEW LOST CITY RAMBLERS" a réalisé un film intitulé "THAT
HIGH LONESOME SOUND", et il suffit de le visionner pour être frappé par la place que tiens la
musique dans les milieux ruraux (Soit-dit en passant, c'est pareil dans les villes). Les commu-
nautées campagnardes, souvent isolées et dépourvues du confort de l'urbanisation du Nord-est,
ont contribuées à forger une identité culturelle propre à chaque région, et bon nombre de styles
musicaux sont nés en milieu rural avant d'être exportées vers les villes. Ces musiques "old-time"
ont évolué en même temps que la société et se sont métamorphosées en "Chicago blues", Country du
"Nashville sound", folk new-yorkais, Gospel. Mais avant de muer, elles se sont construites dans
les états du Sud.

    J'ai donc découvert il y a quelques années, en vrac, CHARLEY PATTON, SON HOUSE, ED BELL et
BLIND WILLIE MC TELL, BUKKA WHITE ET LIGHTNIN HOPKINS, les travaux des LOMAX père et fils,
FLOYD MING'S PEP STEPPERS, NARMOUR ANS SMITH, LEAKE COUNTY REVELERS, LOUISE JOHNSON, SOL HOOPII,
MEMPHIS MINNIE, DOCK BOGGS, BILL MONROE, FOLKWAYS, DOCUMENT et YAZOO records,ROSCOE HOLCOMB, UNCLE
DAVE MACON, FRANCK HUTCHISON, CLARENCE ASHLEY, MISSISSIPPI JOHN HURT, SKIP JAMES, ALFRED KARNES,
RILEY PUCKETT, CHARLIE POOLE, AMEDE ARDOUIN, ELIZABETH COTTEN, DOC WATSON et tant d'autres.
  Tant d'autres, et, on y arrive, notammant un homme d'église appellé WASHINGTON PHILLIPS. J'ai
acheté le disque car Yazoo records est un gage de qualité, et puis les prédicateurs m'ont toujours
interressé. Ainsi, je suis sous le charme de BLIND WILLIE JOHNSON, BLIND JOE TAGGART, REVEREND
BLIND GARY DAVIS,(Fichtre, que d'aveugles, morte bourse!).
   Notre homme est donc né en janvier 1880, au Texas, où il a grandi et y est mort en 1954. La
rumeur prétend qu'un autre musicien noir de la région s'est un temps associé à lui pour jouer et
qu'il s'agissait de BLIND LEMON JEFFERSON. Sacré duo quand on pense à la renommée de Lemon quelques
années plus tard,devenant un pilier du country-blues dans tout le pays. Mais les deux compères ne
produiront rien de significatif, Lemon préférant partir sur les routes et enregistrer dans les
grandes villes pour privilégier sa carrière solo.
   Je ne m'étalerai pas sur les détails de la vie de WASHINGTON PHILLPS (appellons le WASH!),déjà
parce que on ne sait que très peu de choses, et puis car vous pourrez trouver les maigres renseigne-
ments sur Wikipedia et consorts. Attachons nous à sa musique:
    
   WASH a produit dix-huit chansons entre 1927 et 1929, dont deux ont été perdues. Ces titres, aux
paroles souvent bibliques, sont facilement reconnaissables car leur son est plus que singulier.
Ici, pas de banjo, violon ou guitare.Wash a produit une musique unique en accompagnant son chant
d'instruments peu communs:différentes sources sont en désaccord à ce sujet. Certains prétendent
que la DOLCEOLA a été utilisée. C'est en fait un type de cithare "fretless" dotée d'un clavier-pia-
no, qui fut fabriqué de 1903 à 1907. Cet instrument a notammant été utilisé de manière certaine
par un accompagnateur de LEADBELLY en 1944.
  D'autres sources citent l'AUTOHARP, ce qui est sûrement faux aux vues des quelques photos de Wash
entouré par deux de ses outils de travail. De plus, il suffit d'écouter quelques morceaux de la
Carter Family des années 1920 où Sara joue de l'autoharp, la différence de son est flagrante. Il
s'agit plutôt de deux CELESTAPHONES, fabriqués par la société Phonoharp au début du vingtième siècle.
Phillips les a arrangé en supprimant les marteaux du clavier-piano, destinés à frapper les cordes.
Il a ensuite scindé les deux instruments à quatre et cinq accords pour en faire un seul à neuf ac-
cords, complété de cordes pour les arpèges. Le jeu entre les différentes octaves est proéminent et
Wash obtient ainsi un son unique, cristallin à souhait, "angélique" diront certains.
  Ce rendu exceptionnel est la première caractéristyique de sa musique. La deuxième est le "song-
writing" comme on le dit aujourd'hui: les chansons elles-mêmes, les mélodies sont époustouflantes.
Elles n'ont rien à voir avec du gospel classique, encore moins avec du blues, ni avec la musique
afro-américaine pré-blues. Elles sont en fait tout à fait modernes, actuelles.Il est vraiment fou
qu'un homme dans les années 20 ait eu cette approche mélodique très universelle et ressemblant à des
styles qui lui sont postérieurs: pop music, thêmes classiques, musique de films, folk sud-américain,
et, il est vrai, une pincée de blues et de folk nord-américain. cela dit, on ne peut pas aisément
comparer les chansons de Wash à d'autres genres car c'est un univers TRES, TRES personnel.
   Troisième point: le chant de Phillips, tendre et plein d'empathie, parfois tendu mais toujours
dans l'émotion. Il en ressort une chaleur, un bien-être ,tel que l'on éprouve lorsque, gamin, on
s'endort au son d'une boite à musique, d'une comptine, veilleuse, ou pour les plus chanceux, au son
de la voix de  ses parents, pour que l'on passe dans le monde du sommeil le plus sereinement pos-
sible.
   Que l'on soit croyant ou pas, on ne peut que se laisser bercer par les paroles pleines de com-
passion, joyeuses ou tristes, inspirées par la foi de Phillips. Ce n'est pas de la propagande.
C'est une ode à la religiosité, et la différence est énorme. Ce sont de thêmes universels: les
derniers mots d'une mère mourante à son fils qui veille à son chevet, la rédemption, le pardon,
la recherche du bonheur, la gestion de la souffrance. C'est un disque singulier et personnel,
introspectif à souhait, mais dans le même temps rassembleur et à vocation populaire.
Wash nous convie, nous invite; c'est une entrée gratuite pour un monde qui n'est plus, une période
révolue. la dualité de ce disque est là: les thêmes sont universels et traversent les époques, alors
que c'est une musique d'un autre temps. Cette galette(de l'épiphanie) m'a touché en plein coeur.

     C'est un vaste sujet que la musique folk au début du vingtième siècle, aux Etats-Unis, car elle
nous rappelle l'histoire des lieux, l'histoire tout court: par exemple, l'héritage de la
guerre civile qui aurai dû déboucher, après l'esclavage, sur un mode de vie équitable et juste, et
qui n'a en fait amené que la ségrégation. La musique nous rappelle aussi l'industrialisation, les
flux migratoires vers le nord,tout un panel chronologique d'évenements populaires. On comprends
dès lors pourquoi le country-blues, par exemple, est né dans le sud rural sous le diktat des lois
Jim Crow: la vie des afro-américains servit de terrain fertile. On perçoit également l'âpreté et
la dureté de l'existence dans les Appalaches quand on écoute les chansons de Dock Boggs ou Roscoe
Holcomb.
  L'art musical est un mode de vie en Amérique, et l'héritage culturel est donc très riche.
Noirs, blancs, ouvriers, paysans, mineurs, métayers, travailleurs "libéraux", pour tout le monde
aux USA, la musique est plus qu'un exutoire, elle est vitale, comme manger ou respirer.
L'Amérique transpire la musique, et elle a sué tout d'abord dans le vieux Sud, là où la vie est
plus rude. On peut ressentir cette souffrance essentiellement dans la musique blues et Pré-blues.
Les traumatismes post-esclavagistes ont imprimés leur cachet dans les chansons.
Mais attention, la musique du vieux Sud, noire ou blanche, ne reflète pas que la souffrance. On
y croise aussi de l'humour, de l'amour, du sexe, des histoires rocambolesques. Il n'y a pas de
règle absolue en la matière, et cela est réducteur d'assimiler cette musique à la violence et la
dureté de la vie.

     On arrive à un point important concernant la musique old-time: l'interaction entre deux
types de chansons qui ont souvent été opposées, à tort: Pour faire simple, on a mis face à face
la musique afro-américaine et celle des blancs. D'un côté le pré-blues (ragtimes,square dances,
jug bands, duo banjo-tambours), le blues et les spirituals. De l'autre, la country et ses formes
primitives. Et le folk au milieu, un terme fourre-tout. Ce n'est pas aussi simple:
   Des noirs ont parfois appris à jouer à de jeunes blancs, qui ont été influencé par le blues.
A l'inverse, des formations noires ont pris modèles sur des groupes blancs. Afro-américains et
blanc-becs ont parfois joué ensemble. L'industrie du disque avait, cependant, bel et bien scindé
son marché en deux: les disques de blancs et les disques "races" réservés aux noirs, jusqu'au
début des années cinquante.
   FRANCK HUTCHISON est un exemple de la mixité entre ces deux mondes. C'était un homme blanc dont
les chansons avaient toutes les caractéristiques d'un blues rural primitif. Et certains groupes
"old-time" blancs comme des culs ont été pris pour des noirs et classés dans les disques "race".
Ce fut le cas des ALLEN BROTHERS qui fûrent, peut-être par racisme, totalement offusqués.
   Lors de fameuses sessions d'enregistrement en 1927 à Bristol, Virginia, on a pu découvrir des
futurs stars de la country naissante comme Jimmie RODGERS et la CARTER FAMILY, mais aussi quelques
noirs qui se rapprochaient du même style musical. D'autres afro-américains y ont joué des blues,
volontiers enregistrés par la firme VICTOR de RALPH PEER. Le jeune J.RODGERS (un blanc) avait un
répertoire qu'on peut volontiers de country-blues, au grand dâmne des amateurs de country pur jus
qui le voulaient comme "grand créateur" du genre.
    On peut dire que le sud des Etats-Unis a produit deux grands mouvements musicaux: country-
music et blues, mais en y regardant de plus près, leurs ancêtres ont forniqué plus d'une fois et
leur mélange a produit des disques et des artistes inclassables, ou classés par facilité dans
le "folk". Autre éléments allant à l'encontre des clichés (ici, celui du pauvre bluesman noir en
salopette et du péquenot mineur ou paysan avec son banjo fait-main): certains artistes folk des
années 1920-1930 venaient de milieux plus aisés que d'autres. Bascom Lamar Lunsford, par exemple,
était avocat. D'autres étaient professeurs ou propriétaires de terres et gagnaient leur vie con-
venablement.

      Nous parlons du Vieux Sud, mais le nord, me direz vous, qu'en est t'il? Et bien force est de
constater que la musique folklorique noire et blanche a pris racine au sud pour des raisons,
entre autres, de flux migratoires, d'arrivée massive de main d'oeuvre servile. Les mêmes raisons
vont aboutir à la fixation de la country et du blues dans les métropoles industrialisées du nord.
La country à Nashville (qui n'est, je vous l'accorde, pas vraiment au nord, mais en tout cas est
une grande ville prospère), le blues à Memphis, puis à chicago, New-York et autres points d'encra-
ges mineurs. Car à partir des années 1940, une population importante de travailleurs en quête d'un
meilleur niveau de vie remonte le long du Mississippi, puis se dirige vers les grandes villes.D'
autres quittent les montagnes, ou bien le Texas pour gagner Chicago, Boston, ou Philadelphie et
New-York. Dès lors, il en est fini de la musique "old time". Des mutations sociales profondes,
associées aux migrations sud-nord, ont crées des changements artistiques radicaux.
      Le blues s'électrifie et se joue en petites formations dès les années 1935-1940. (la mode est
aux "blues shouters", ces chanteurs à la voix assez forte pour rivaliser avec l' orchestre). Le
blues rural a muté en Rythm'n'blues.Le nègre en salopette est devenue image d'Epinal et la réalité
est toute autre. L'argent s'est infiltrée dans la country citadine, qui est désormais asseptisée et
loin du "hillbilly" sound. La musique religieuse qui était pleine de ferveur a perdue de son authen-
ticité. Les sermons habités des pasteurs, les rituels de "mise en joie" des femmes noires, pratiques
impressionantes et physiques héritées de l'Afrique, les spirituals dansés et mimés ont laissé place
au nouveau gospel, beaucoup moins expressif.
   Les chansons qui, jadis, traduisaient les affres de la société sudiste, reflètent désormais les
problèmes des quartiers dans les villes industrialisées. Vous me direz, que sont devenus ces artistes
folk dont nous avons parlé?
   Et bien, certains ne purent résister, commercialement parlant, à la faillite de certaines maisons
de disques durant la crise de 1929. Ils retournèrent donc à leurs occupations premières. Peu conti-
nuèrent à enregistrer et à tirer leur épingle du jeu. Ces derniers modifièrent leur répertoire et
leurs orchestrations pour avoir l'approbation d'un nouveau public urbain (Guitare éléctrique dans
le blues, pedal-steel dans la country and western). Et puis d'autres furent "redécouverts" avec le
folk revival des années 50-60, les jeunes étudiants du nord voyant en ces vétérans des idoles.
D'autres ont bien sûr cassé leur pipe, prématurément ou pas, victime d'une vie harrassante, d'abus
d'alcool, ou bien car avoir le blues est usant pour le corps et l'esprit!
Notez au passage que le terme "blues" est certes bien défini musicallement, mais j'aime l'utiliser
comme le descriptif d'une athmosphère, un état d'esprit, un sentiment, qui peuvent dépasser les
conventions du blues réglementé.

    Cet article est, je l'avoue, assez déstructuré car non-planifié. Il devait à la base être une
simple chronique de WASHINGTON PHILLIPS. Pardonnez moi pour le désordre mais je voulais revenir une
nouvelle fois sur les liens qui unissent tous ces styles de musiques folk "old-time". Les interact-
ions sont nombreuses entre profane et religieux, noir et blanc, blues et country. Et ce surtout à
l'époque de leur genèse, de la fin du 19ème siècle jusqu'aux années 1930-1935.
   Nous avons déjà dit que des blancs avaient fait des blues, des noirs de la musique "hillbilly",
mais les afro-américains ont dû faire des choix cruciaux en rapport avec une musique: le blues, qui
dans une société très croyante, était renié par les Eglises. Ainsi, Méthodistes et Baptistes in-
terdisaient les instruments dans les lieux de culte. De nombreux artistes ont été torturés par le
dilemne cornélien qu'on leur imposait: musique sacrée ou musique du diable.
Certains ont jonglé avec les deux, et d'autres ont vu leur ascension brisée. Quelques uns sont de-
venus dingues. Les derniers, enfin, ont choisis leur camp, au risque d'aller en enfer, ou de rester
cloitré dans leur communauté, car obtenir l'approbation d'un nouveau public, de surcroît nombreux,
était peu commun dans le circuit des spirituals.
Citons tout de même quelques artistes ayant réussi leur carrière en jouant sur les deux tableaux:
BLIND LEMON JEFFERSON, SKIP JAMES, BARBECUE BOB, BROWNIE MCGHEE, ou SLEEPY JOHN ESTES ont joué du
profane et du religieux, parfois sous des noms d'emprunts pour brouiller les pistes.
D'autres ont fermement choisi le domaine sacré, comme BROTHER JOHN SELLERS, BLIND GARY DAVIS, BLIND
 WILLIE JOHNSON, ou encore,...WASHINGTON PHILLIPS.
On a vu des bluesmen se repentir pour un temps, puis faire un come-back dans les soirées diaboliques.
(les concerts, condamnés par les Eglises). SON HOUSE est un exemple de ce va-et-vient entre les deux
mondes. En voyant s'échouer ses camarades bluesmen un à un à cause de leur train de vie (l'empoison-
nement de ROBERT JOHNSON, la mort prématurée de PATTON, de son ami WILLIE BROWN,etc), House a rangé
sa guitare et prêché, préférant la sagesse d'un poste de prédicateur à plein temps, mais...
jusqu'à sa redécouverte lors du revival du début 60's.Pour le plus grand plaisir des aficionados
étudiants dans les villes du nord des U.S.A.

     Enfin, pour terminer avec les liaisons entre différents styles, écoles, et couleurs de peau,
il faut observer de près le répertoire-même des artistes: beaucoup de thèmes afro-américains pré-
blues, ou "proto-blues", datant d'avant le vingtième siècle, ont été repris par des blancs considérés
comme des artistes "hillbilly", c'est à dire affilliés à du "proto-country" (un style censé être
d'inspiration européenne élaboré par les colons blancs).
Inversement, des musiciens noirs se sont allègrement servis dans le corpus folk des chansons de blancs.
En réalité, il est presque impossible de dénombrer ces interactions et il est alors très dur de perce-
voir une réalité manichéenne et dualiste dans le monde de la musique folk américaine. Je considère
personnellement qu'il y a une musique folk née dans le Sud, d'inspiration africaine ou européenne et
souvent les deux, et que je nomme "old-time", qu'il s'agisse de blues ou d'autre chose.
"Old-time", pour moi, est plus un terme lié à une époque qu'à une branche stylistique: c'est la musi-
que des compilations d'HARRY SMITH, celle née à la fin du dix-neuvième siècle et allant jusqu'aux an-
nées 1930 (car il y trop de mutations après cette décennie pour prolonger l'appellation).Il y a bien
sûr des scissions, des horreurs dans l'histoire américaine, qui ont influé sur la musique. Il est évi-
dent que l'esclavage et la période post-esclavagiste ont directement généré le blues. Mais au delà des
clivages et des crimes racistes, il y a, quelque part, une formidable unité que l'on peut discerner et
qui correspond pour moi à la musique "old-time", que ce soit du blues, des chansons de cow-boys, des
spirituals, du ragtime, du jazz primitif.
    Finissons cet article par quelques exemples concrets de ce que je viens d'énoncer: des chansons qui
ne sont ni noires ni blanches, ni country ni blues. Des chansons qui se sont balladées d'un répertoire
à un autre, réadaptées plusieurs fois, et que je trouve belles peu importe l'habillage. Car enfin, ce
qui nous importe est bien le fond. C'est ce qui porte l'art à son sommet: les notes, les mots, parfois
les deux, restent touchantes, chaleureuses ou blessantes, et peut importe le genre, le sexe ou la
couleur de peau de l'artiste.
    "Mississippi Heavy Water Blues" est un morceau de Robert Hicks, alias BARBECUE BOB, un bluesman
noir de Géorgie. La prise originale date du milieu des années 1920. Au moins trois artistes blancs ont
repris la chanson, dont la version la plus poignante à mon goût est celle de ROSCOE HOLCOMB, un homme
du Kentucky à la voix haut-perchée et terriblement expressive.
     "John Henry": un thème classique du monde afro -américain, évoquant l'histoire d'un homme qui
se bat contre la mécanisation du travail et les aspects négatifs du progrès industriel. John Henry se
tue finalement à la tâche, ne pouvant rivaliser.Bien sûr, la musique de ce morceau a évolué au fil des
versions mais l'histoire contée reste sensiblement la même. Il doit y avoir des dizaines de versions
d'artistes différents, mais je m'arrête sur les quatres que je préfère: HENRY THOMAS, un noir texan
qui préfigure le blues à venir (et de manière originale car Thomas joue de la flûte). Il a enregistré
"John Henry" en 1927. FURRY LEWIS, autre bluesman, de Memphis, arrange la chanson à sa sauce en 1928.
DOCK BOGGS, un pionnier de la musique "hillbilly", en crée une version à la fin des années 1920 égale-
ment. Enfin, CHARLIE POOLE, blanc-bec prodige, joue "John Henry" au banjo durant les années 1930.
      "In the pines": une chanson née à la fin du dix-neuvième siècle (de source fiable). LEADBELLY en
fit un blues, qui sera, soixante ans plus tard, repris sous le nom de "Where did you sleep last
night?", joué par MARK LANEGAN et KURT COBAIN, ce dernier popularisant sa version lors d'un concert
acoustique, "MTV unplugged". Mais avant cela, BILL MONROE en a fait un hymne bluegrass, LIBBA COTTEN
joua souvent ce titre sur scène, et durant les 70's, GENE CLARK l'inclut sur "Two sides to every story".
Ce morceau, riche de nombreuses adaptations, a évolué au niveau de son "ambiance", car certains,
surtout les plus vieux, le jouent sur des accords majeurs, donc plus enjoué que les versions contem-
poraines de Lanegan ou Cobain qui sont pluôt dans un mode semi-mineur. Ce changement confert à la
chanson une toute nouvelle dimension, pleine d'angoisse et d'amertume.
      "That's all right mama", premier simple d'ELVIS PRESLEY, est en fait, comme beaucoup des premiers
disques du label SUN records, une reprise d'un standard de chanteur rythm'n'blues noir, ici ARTHUR CRUDUP.
La face B étant une version du titre-phare de BILL MONROE, le roi du Bluegrass, "Blue moon of Kentucky".
Le rockabilly naissant, ovule de country fécondé par un spermatozoïde de blues, est finalement le point
ultime d'interaction, de rencontre entre les noirs et les blancs. Même si (c'est discutable) les noirs
eurent de l'avance en préfigurant le rock'n'roll à travers le rythm'n'blues et aussi le blues éléctrique.

    Il était important pour moi de conclure sur un paragraphe exposant des exemples concrets, car étant
donné le chaos total que représente ce bazar rédactionnel, cela me donne une once supplémentaire de
crédibilité!! Bref, j'éspère que certains ou certaines seront curieux et interéssés. N'hésitez pas à
m'écrire pour me faire part de vos réactions. Achetez WASH! Et Si le tourbillon de l'Old-Time vous emporte,
évitez de trop vous faire bouffer les culottes!
    Au revoir, à bientôt.

      Loic "SILENCE" D.  

29 décembre 2013

WAR (poème)

Vétuste et châste comme un con de vieille fille
Aurore et bruits dans un ciel qui scintille
Moisissure explosive des pets des boums
Chopé la chtouille lors d'un trip à Karthoum
Suis fatigué des manigances
Du discours frelaté des bourgeois en trance
Woody Guthrie y mettrai son grain d'sel
Ca partirai en couille, eclaterai de plus belle
Aurore et bruits dans un ciel qui scintille
Vetuste et âcre
Ville-fantôme qui s'habille
Fondant l'un sur l'autre
Ne font que couler
Mots dégoulinants car
Lettre-diarhée
Me suis lassé des révolus Sionistes
Me suis révulsé d'un geste laxiste
Un franc-tireur, un cerf-volant
Un lent cerveau, un tir-au-flanc
Aurore et bruits dans un ciel qui scintille
Epi-crânienne sur un gamin qui crie
Monte à la tête par une veine égarée
Gare à la veine quand on a tout gagné
Trop de bonheur se payera un beau jour
Eclats d'obus ôtent la vie pour toujours
Aurore et bruits dans un ciel qui scintille
Colectomie car un cul part en vrille
Une musique écarlate en fond sonore
Agite en moi le cavalier qui dort.

29 décembre 2013

Un joli merdier

Putréfaction, devinez la suite...
Putes et fraction devinez pourquoi
Un air romantique flotte dans
L'oxygène et ma glotte
N'en peux plus des sévices
Infligés, de ces vices démodés
Ci-gît le pouvoir, ci-gît le noir
De ta clarté quand celle-ci me revient
Déformé car passé au travers du filtre
De la société. Des litres
De passion accumulée
Dans ta prison, te retrouverai
Cette nuit, à l'horizon, te viderai
De tes organes les plus vitaux
Pour ne garder de toi qu'un tableau
Peint à la hâte et presque violet
SVP ne traduit pas, je suis malade
Je t'en prie, ne cherche pas, tout est si fade
Laisse toi guider par ton aura
Car toi seul, je le sait, tu l'as
Ah, minute, papillon!
Un vertige m'appelle
Un malaise m'adresse ses meilleurs voeux
Son or morveux
N'étant que souffrance et mélodies
Je pose la pose et la pause
S'éternise jusqu'à l'aube
Quel joli merdier.

Publicité
Publicité
1 2 3 > >>
Publicité