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Des Mots Démos Des Maux ...
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5 février 2014

LES LABELS QUI ONT UNE AME (part 2) (article)

     
   Les balbutiements des labels indépendants durant les années 1920-1930 ont pour un moment
pallié à l'absence de structures réelles pour les musiques encores mineures à l'époque (essen-
tiellement musique noire). Mais ces labels allaient être bientôt couler sous le poids de la crise
de 1929, soit être avalées par les grosses firmes,ces dernières sentant que ces musiques, pour
exemple le blues,prennaient de l'ampleur et trouvaient un public croissant.
Les majors companies créerent donc des séries spéciales pour les disques noirs ("race series")
et pour la musique blanche "old-time", en marge de la variété dominante.

  Ce fut donc la fin de l'ère des labels indépendants "primitifs". Mais à partir des années quarantes,
des groupuscules passionnés (au moins autant par la musique que par l'argent) mettent sur pied des
maisons de disques visant des genres précis qui pourraient trouver un marché interressant, tout en
plaçant l'approche artistique avant l'approche mercantile. En guise d'introduction, je passe en revue
quelques labels fameux de cette période, aînés de ceux que l'on examinera plus tard. BLUE NOTE est crée 
en 1939, crée par Alfred Lion, et prends le train du "bop" et "hard bop" en marche, sortant du Miles
Davis, Theolonious Monk, Sonny Rollins. VERVE Records apparait en 1956 et se spécialise dans les grands
classiques, de Billie Holiday (sur la fin) à Lester Young en passant par Bill Evans ou Ella Fitzgerald.
Atypique, Verve sort dans les années 1960 le premier album du VELVET UNDERGROUND et du groupe de Frank
ZAPPA, the MOTHERS OF INVENTION!
  MOTOWN émerge également à la fin des fiftees à Detroit, Michigan. Son influence n'est plus à démon-
trer et ce fut un véritable fer de lance pour les artistes soul comme les Jackson Five, Steve Wonder,
les Temptations ou Marvin gaye.
  CHESS records, né en 1947 à Chicago et fondé par les frères du même nom, donne dans le rythm'n blues,
le blues urbain et le rockabilly naissant. Leur catalogue est rempli d'illustres noms tels Howling Wolf,
Bo Diddley, Chuck Berry, John Lee Hooker ou Buddy Guy.
  SUN records est le frère cadet (né en 1950) et nage dans les mêmes eaux que Chess, signant d'abord des
artistes noirs bluesy puis accompagne avec ferveur et intelligeance la copulation entre musique country,
blues et rythm'n'blues, ce qui fait de ses nouvelles sorties des tubes de Rock'n'roll! En effet, Chess
et Sun furent les catalyseurs de cette effervescence du milieu des fiftees, et Sam Phillips, dirigeant
et producteur chez Sun, eu bien du nez en prenant sous son aile "un jeune blanc féru de country qui
chante comme un noir", Elvis Presley, qui casse la baraque en 1954 avec son premier disque: sur la pre-
mière face, une reprise de "That's all right mama" du bluesman Arthur Crudup et de l'autre côté une re-
prise du standard bluegrass de Bill Monroe "Moon of Kentucky".
  En 1959, Chris Blackwell fonde le label ISLAND en Jamaïque et se spécialise dans le reggae: il signe
Bob Marley, Jimmy Cliff, les Skatalites et bien d'autres. En 1968, Island prend un virage étonnant et se
lance dans le folk-rock avec Fairport Convention, Jethro Tull ou King Crimson.
  Ce bref exposé de quelques uns des labels indépendants du milieu du 20è siècle me sert simplement d'in-
troduction pour vous exposer et vous conseiller quelques noms de labels plus tardifs, nés sur les cendres
de ces maisons de disques pré-citées, qui furent pour la plupart liquidées ou avalées par les grandes pattes
des major compagnies. Certains résistent encore (Blue Note se diversifie et sort Norah Jones dans les
années 2000) mais ils sont rares. C'était une autre époque, et je m'en vais vous parler d'une période
plus récente, disons du début des années 1970 aux années 2000.

    Commençons par l'aîné de tous ces labels, qui, me semble t'il, reflète avant l'heure le véritable esprit
d'indépendance et d'intégrité artistique, servant de modèle aux structures évoquées dans la suite de mon ar-
ticle. ESP était à l'origine destiné à promouvoir de la musique en langue Esperanto, chose audacieuse quand
on pense au faible impact qu'eu ce dialecte mort-né, ses créateurs utopistes rêvant d'une unification lin-
guistique qui n'arriva jamais. Il s'agissait donc bien-là d'une démarche avant-gardiste, et cela en dit long
sur la suite des opérations chez ESP. Fondé en 1964 à New-york par le juriste Bernard Stollman, le label af-
fiche d'emblée la couleur en imprimant sur ses sorties:"You never heard such sounds in yr life". Véritable
allié du mouvement free jazz, puis electro-jazz, il produit Albert Ayler, Ornette Coleman, Sun Ra, ou Don
Cherry, entre autres allumés de la musique d'improvisation. Ses différentes séries représentent l'évolution
du label, la série 1000 faisant dans l'écléctisme et diversifie ainsi leur catalogue: Pour preuve, les sor-
ties de groupes "folk" et "rock", entre guillemets car largement éxpérimentaux et psychédéliques, pas si loin
dans l'esprit, du jazz free auquel ESP avait habitué ses auditeurs. Parmi cette série on peut citer les Fugs
de New-York, camarades de classe du Velvet underground, Pearls Before Swine, au minimalisme claustrophobique
et suffocant, les Holy Modal Rounders, fêlés férus de country old-time qui ont virés dans le blues psyché après
leurs deux premiers albums folk.Enfin, on y trouve aussi des disques de William Burroughs, spoken words sur du
son saignant. La série 3000, quand à elle, revient à la conformité d'un jazz plus commercial, avec des opus tels
ceux de Billie Holiday ou Charlie Parker. Mais ESP n'oublie pas ses racines et sort encore à cette époque des
disques free.
C'est ce label que j'ai choisi pour introduire ceux dont nous allons parler, car il me semble que c'est un modèle
d'intégrité. Sur certains de leur pressage, n'inscrivaient-ils pas "The artists alone decide what you'll hear on
their ESP-discs"?

      La liste suivante de labels est bien sûr exhaustive et ne découle que de mes goûts personnels. Libre à vous
de vous faire une opinion et de creuser plus loin pour découvrir de nouvelles musiques dignes d'intérêt. Le premier
des labels indépendants post-seventees et post-ESP, est NEW ROSE, fondé par des parisiens. En 1980, Patrick Mathé
et Louis Thevenon tiennent une boutique de disque nommée d'après un fameux titre des Damned. Le nom reste, les ac-
tivitées s'élargissent puisque quelques mois plus tard, les deux compères se lancent dans la production de groupes
punk/rock, européens ou américains car leurs contacts sont nombreux et leur aura très vaste: ainsi, The Saints,
The Cramps, Johnny Thunders, Alex Chilton (ex-Big Star!) figurent en licence française ou en contrat principal sur
New Rose Records. S'en suivent des artistes fameux dans le monde du rock, le Gun Club, Rocky Erickson, Flipper, the
Troggs, les Wampas ou La Souris Déglinguée. New Rose est l'un des rares labels français à avoir rivalisé avec le
milieu rock anglo-saxon, et ce de fort belle manière. New Rose est véritablement LA maison de disques indé en France
par excellence. Il est bien entendu que cet article touche de près les musiques populaires tels le rock et toutes ses
variantes, la pop-folk music, cela dans le cadre des labels indépendants: je suis bien persuadé que dans le milieu du
classique, ou dans les musiques traditionelles, il existe d'autres structures françaises dignes d'intérêt. J'en veux
pour preuve la première part de cet article qui traite des artistes folkloriques et traditionnelles, pour certaines
héritages de la musique populaire moderne et du rock actuel. Cette parenthèse achevée, revenons à nos moutons.

     RoUGH TRADE et MUTE records sont deux poids-lourds dans le monde des labels indés. On peut les mettre en paral-
lèle pour moult raisons évidentes, la première étant les choix artistiques très proches, puis l'époque et les diffi-
cultées de l'un et l'autre, et leur mode de fonctionnement.
Rough Trade est né à la fin des seventees, étant, comme New Rose, un disquaire (londonien cette fois). le label appa-
rait comme une suite logique après diverses activitées dans la promotion et la distribution de groupes alternatifs
émergeants en nombre à l'orée des années 80. Rough Trade met la main sur d'excellents artistes variés, mais tenants
tous à une éthique commune, dont leur label se sent proche, plus que s'ils signaient avec une grosse multinationale.
Ainsi, on trouve au catalogue les YOUNG MARBLE GIANTS (un duo venant du pays de Galles qui sort en 1980 son seul album,
un opus particulièrement attractif car un sommet du minimalisme pop naïf), PERE UBU, un collectif américain tournant
autour de David Thomas, personnage haut en couleur, père d'une new wave noisy et déstructurée. On trouve aussi MAZZY
STAR, METAL URBAIN (des punks français, des VRAIS, pas des en carton!), the T.V. PERSONNALITIES, qui est un groupe
anglais de punk mélodique, voire mélancolique, que Dean Tracy mène où bon lui semble, parfois dans des abîmes inson-
dables. Un must dans leur genre. Et puis il y a les SMITHS: ce groupe, à lui tout seul, a renfloué les caisses du la-
bel pour plusieurs années car devenu très populaire. Mais même ces derniers ne peuvent éviter la faillite de Rough
Trade dans les années 90. Mais il y a un autre mais, car le label reprends de l'envergure une décennie plus tard en
se lançant dans la mouvance new-rock des STROKES ou the LIBERTINES, très populaires aussi. Bien que racheté en partie
par une major, Rough Trade vit encore.
   Mute records est né aussi à la fin des seventees (1978, crée par Daniel Miller) et se spécialise dans l'alternatif éga-
lement, mais avec une touche éléctro très personnelle, moins rock que son cousin Rough Trade. Signant une série de
groupes pop-new wave comme NICK CAVE (l'exception confirme la règle, Cave n'est pas vraiment new-wave, bon, passons),
puis D.A.F., le label trouve sa poule aux oeufs d'or, ses "Smiths" à lui: DEPECHE MODE. Dignes d'intérêt pécunier sans
délaisser une ligne de conduite artistique honorable, D.Mode n'étant pas non plus Tom Jones ou David Guetta. C'est par-
fait pour Mute, surtout quand ses protégés décrochent le gros lot avec " I just can't get enough". La vie suit son cours
et les sorties sont épisodiquement des bonnes surprises. Je songe surtout au groupe ADD N TO X, combo electro punk bor-
délique à souhait et chef de file d'un genre excitant et novateur. Il y a aussi GOLDFRAPP, et tant d'autres. Et puis au
bout de quelques années, le label se scinde en deux avec la création de BLAST FIRST, sous-label spécialisé dans l'indé
de l'indé, souvent plus vindicatif et moins vendeur que les artistes Mute, mais fidèles en tout point à l'éthique pro-
clamée. On y trouve les premiers SONIC YOUTH (groupe culte, tout d'abord du mouvement No-WAVE new-yorkais, puis du rock
alternatif tout court, en faisant une longue et belle carrière traversant les modes sans s'y attacher, même si la fin de
leur discographie est moins prenante que leur débuts.) En vrac, toute une scène post -punk s'y engouffre, BUTTHOLE SURFERS
et BIG STICK (deux exemples de la haute qualitée de Blast first, ces deux groupes punk-noise-éxpérimentaux étants géniaux,
je pèse mes mots!) et puis BIG BLACK (premier groupe de l'ingénieur du son Steve ALBINI, qui ne fait pas dans la dentelle)
et SUICIDE (un grand classique, les seuls réussissants à mêler intimement rockabilly et electro, vingt ans avant tout le
monde) et dans les plus récents, the LIARS (les seuls à réussir à me faire croire que le punk existe encore, sous une forme
bien dérangeante. Mais déranger n'est-il pas une prérogative du punk?), ERASE ERRATA (un bon groupe de scène).
Resté indépendant jusqu'en 2002, s'en suit un bric à brac de rachat de Mute par EMI, puis Universal, enfin, des histoires
de gros sous dont on se fout royalement. Il reste tout de même que Mute existe même sous l'aile d'une grosse machine, et
cette durée est sûrement preuve de bon choix et bon goût.

    TOUCH AND GO est né en 1981, crée par Corey Rusk à Chicago. Il est dans la pure lignée des labels post-punk servant de
relais au mouvement alternatif des 80's, époque où presque chaque grand ville avait sa scène indé, avec labels, fanzines,
salles de concerts et radio libre. On peut citer DISCHORD records à Washington DC, SUB POP à Seattle, SST en Californie,
ZE records à New-York, etc. Du côté de Chicago, on fait dans le rock punk des DIE KREUZEN, THE MEATMEN, EFFIGIES. Puis
au cours de la décennie 80, la fine fleur du genre, musicalement de plus en plus variée, se trouve chez T'n'G. En effet,
sont signés SCRATCH ACID et les BUTTHOLES SURFERS ainsi que les BIG BOYS, tous trois texans (et, je me permet une intru-
sion subjective dans mon propre article objectif, ce sont trois de mes groupes de punk-rock favoris, voire MES trois
groupes favoris, le tiercé dans l'ordre ci-dessus). Le label se permet (il le peut) de plus en plus d'écarts musicaux,
produisant autant de la "noise" de Chicago pur-jus, un son qui devient populaire à la fin des années 80 avec RAPEMAN, the
JESUS LIZARD, MULE, que de la musique instrumentale à mi-chemin entre douce mélancolie et fureur orchestrée (DIRTY THREE,
DON CABALLERO) ou bien ce que les journalistes appellent alors du post-rock, ou math-rock (SLINT, JUNE OF 44).
La réputation de ce label atteint des sommets dans la sphère rock des années 1990 et l'émergeance de la musique alternative
au niveau du courant dominant ("mainstream"). De ce fait, plusieurs des groupes signent sur des maisons plus grosses et plus
rentables pour eux, ce qui leur permet l'accès aux gros médias et une promotion à grande échelle. Un litige s'étalant sur des
années oppose durant ces années-là les BUTTHOLE SURFERS (fraichements signés sur une major) à T'n'G. Enfin, histoires de gros
sous dont on se fout royalement. Le label chicagoan fonctionne encore, et s'est encore diversifié, a signé des artistes comme
COCOROSIE qui ont eu un relatif succès aux USA et en Europe. On peut citer aussi BLACK HEART PROCESSION ou TV ON THE RADIO
comme les signatures récentes ayant bien fonctionnées.
Il faut noter que Touch'n'Go est la pièce maitresse d'un système de distribution comprenant une dizaine de labels, tous gérés
par le label-chef à certains niveau. Gravitent autour de T'n'G, des structures telles que SKIN GRAFT (le phare de tous les ar-
tistes les plus givrés du monde entier, ceux qui ont été nourris aux pis de la vache ESP tels que les Fugs ou Godz), ATAVISTIC,
spécialiste de la no-wave new-yorkaise avec ses TEENAGE JESUS, MARS, SCISSOR GIRLS ou GLENN BRANCA. Il y a aussi DRAG CITY, plus
porté sur le folk-rock "low-fi" (faible qualité sonore, au profit de l'idée artistique et du spontané) et THRILL JOCKEY, antre
du post-rock à la TORTOISE, SEA AND CAKE, A MINOR FOREST.

     Passons à une autre grande figure du rock alternatif, post-punk, rock indé, appelez cela comme bon vous semble. Ce qui est
important est de relier TOUCH'n'GO à SST, label californien crée en 1978 par Greg Ginn, à peu près dans la même optique que celle
qui a donné naissance à T'n'G, Sub Pop, et consorts. C'est à dire une forte conviction, un désir de rupture avec le monde de la
musique commerciale, la musique diffusée en boucle dans les supermarchés, qui s'avère souvent mièvre et pauvre, même si la plu-
part des gens s'en contentent (faute de mieux? ou par choix? le débat est rude). Le poids de la politique de Reagan marque la
musique rock des eightees et force les artistes les plus originaux, donc les moins populaires, à défendre leurs droits et à s'op-
poser au marasme dans lequel le président des USA plong le pays. Il y a donc réaction de la part de ces jeunes gauchistes en jeans
troués qui fondent des groupes, des fanzines, des labels, dont SST. Si Greg Ginn, au départ, avait pour but de sortir les seuls
disques de son groupe BLACK FLAG, il s'est bien vite rendu compte du potentiel des groupes de new rock engagé (pas forcément poli-
tiquement, mais au moins au niveau de la démarche artistique) qui sillonaient les States et ne demandaient qu'à être produits par
des gens intègres, loin du star-system. Parmi ces groupes signés sur SST durant les années 80, outre BLACK FLAG et son hardcore
mi-speed, mi-lourd, il y avait les BAD BRAINS, hybrides du punk-rock et du reggae nerveux, les MINUTEMEN, une formation à la sec-
tion rythmique technique (le batteur aurai pu être jazzman) et au chanteur (Danny Boon, décédé très tôt par accident) généreux et
plein de vie. SONIC YOUTH a également sorti quelques galettes chez SST. HUSKER DU est un groupe majeur et a influencé les rockers
des 90's en leur apprenant à allier nervosité et mélodie. DINOSAUR JR a lui aussi eu un grand rôle dans l'avenement du rock indé
et leurs chansons au son sale, leur allure négligée et nonchalente, une version de Neil Young and Crazy Horse des 80's a fait
mouche et bien des émules, surtout du côté nord-ouest des States, dans les chaines stéréo de Mark Arm ou Kurt Cobain.(un grand fan
du label). Enfin, l'une des plus importantes signatures autant commercialement qu'artistiquement de chez SST est celles des MEAT
PUPPETS. Actifs depuis 1981 avec un premier EP, suivi en 1982 de Meat Puppets 1, puis le 2 dans la foulée. Le combo des frères
Kirkwood (Curt et Kris) accompagnés de Derreck Bottom à la batterie, ne ressemble d'emblée à personne. Un jeu funky et vif, des
aigus criards, et du psychédélisme à souhait. D'abord furieuses, les chansons des Puppets se sont assagies tout en gardant un grain
de folie, et un sens du songwriting qui n'était pas mis en valeur sur le premier disque. Ce premier opus hardcore est excellent, mais
la qualitée des compositions qui émerge sur "2" et "Up on the sun" est encore plus jouissive. Grandement influencés par Creedence,
Neil Young et Woody Guthrie autant que par Black Sabbath et les Stooges, les Puppets auront leur heure de gloire bien méritée à l'au-
be des années 1990, signant sur une multinationale et passant en boucle sur MTV. Le succès commercial de Nirvana entraine dans son
sillage de nombreuses formations moins connues, et les Puppets vont profiter de cette vague, d'autant plus que Kurt Cobain, en bon
fan du groupe, les cite souvent en interview et les invite à jouer en live pour une session "MTV Unplugged" en novembre 1993.
Leur album le plus connu sort en plein boom du rock indé, et se nomme "Too high to die", contenant un tube radiophonique parfait,
"Backwater". C'est l'époque où beaucoup de groupes ayant grandit sur des petits labels signent avec une major. Les artistes de SST
n'échappent pas à la règle et les Meat Puppets aussi bien que pas mal de leurs camarades accèdent à la grande distribution.
   On peut, grâce à des exemples comme Touch'n'go ou SST, se rendre compte du rôle qu'ont joués ces labels indépendants dans les
années 1980: ils ont fait office de propulseur pour des artistes qui tournaient dans le seul circuit indé puis qui, sous l'impulsion
du " Seattle sound" (entre autres), se sont vu offrir une place plus confortable dans le business. En fait, sans l'aide de SST, T'n'Go,
Sub Pop, Dischord et autres, l'avenement du punk des 90's (1991: "the year punk broke") aurai été différent ou n'aurai pas été.

     Parlons désormais d'un autre indépendant: le label 4AD, fondé en 1979, signant à la pelle des artistes anglais, américains, aus-
traliens et autres. Initialement, la ligne de conduite, musicalement parlant, est de collaborer avec le "must" de la scène dark/new-
wave. En gros, de la musique austère et sombre, pas forcément violente (mais parfois oui) et souvent assez athmosphérique. C'est la
première période de 4AD, avec des groupes tels que COCTEAUX TWINS, DEAD CAN DANCE, BAUHAUS. La première formation avec NICK CAVE au
chant, BIRTHDAY PARTY, est de la partie. Leur répertoire est composé de chansons noires, évidemment, mais avec un trait personnel:
une rage explosive et malsaine, absente de chez les autres signatures 4AD de l'époque. Ce groupe est reconnu pour ses prestations
scéniques brutales et surtout prenantes et ennivrantes. Des auteurs spécialistes du rock comme Nick Tosches ou le grand Lester Bangs
le considère comme LE PLUS GRAND GROUPE LIVE. Les albums reflètent cette odeur de souffre, ce ressenti inquiétant, au bord du gouffre
et du vomi. Le chant de Cave, d'ailleurs, est parfois un mélange de bruitages vomitifs, de râles, de toux, de gémissements. Tout est
fait pour désapointer le public. Du coup, soit l'on adore, soit l'on déteste!
Les années 80 meurent, et 4AD renouvelle sa garde-robe: le label ressent le mouvement, la fin de la new-wave et le monde alternatif
qui fourmille de bons groupes. les PIXIES signent, et avec eux 4AD s'assure un succès d'estime également commercial (le single "Where
is my mind?"). Le groupe de FRANCK BLACK est une valeur sûre pour le label, et le label est une valeur sûre pour le groupe. Black
saisit l'opportunité de signer un contrat avec 4AD pour son propre compte, pour ses albums solos. Les BREEDERS sortent également des
disques sur le label. L'une des formations-satellite de ce petit monde est THE AMPS qui réussit un chouette album toujours sur 4AD.
Au côté de tout ce microcosme, deux filles du nom de Tania DONELLY et Kristin HERSCH, américaines aussi, forment le groupe appellé
"THROWING MUSES". Leur premier album est l'un des chefs d'oeuvres de la maison de disques. Madame Hersch copie Monsieur Black et
s'impose, sur 4AD, comme artiste solo, et à la fin des Muses, elle se lance dans une carrière très réussie car la jeune femme est
pleine de talent, jouant tous les instruments et composant paroles et musiques. Il est cependant à noter que l'un de ses meilleurs
opus, "Hips and Makers" est sorti sur SIRE et non sur le label habituel. Différends artistiques? Encore des histoires de gros sous
dont on se fiche bien? Bref, 4AD s'impose comme une structure-phare du rock dès les années 80, pérénise cette réussite durant les 90's
et réussi à préserver sa place encore actuellement avec des signatures comme DEERHUNTER, l'un des plus fameux groupes en activité,
ou le dernier album solo de Jay MASCIS.

   Continuons ce tour d'horizon avec l'écurie MATADOR, qui apparaît en 1989 à New-York. Chris Lombardi et Gerard Cosloy s'associent et
montent peu à peu un catalogue exemplaire en matière de musique pop-folk-rock (Grosso modo, moins bruitiste que le son de Sub Pop ou
SST, plus axé sur des artistes minimalistes à la Drag City ou Domino records). Si la fureur et les guitares saturées ne sont pas le
genre de la maison (à quelques exceptions faites), le discours, les méthodes et la politique sont en outre directement héritées des
labels punk-rock et indie-rock des années 80, ceux-là même que l'on a évoqué plus tôt. Musicalement, comme je vous l'ai dit, la cou-
leur est au folk contemporain et au rock mélodique et minimaliste, parfois très foutraque et cradingue ("low-fi"). En 1990, Matador
sort le premier album de TEENAGE FANCLUB, formation écossaise qui fait un tabac. S'en suivent beaucoup de très bons disques. Parmi
les plus fameux, on peut citer les productions de CAT POWER, THE FALL, GUIDED BY VOICES, YO LA TANGO, PAVEMENT (un autre gros coup
pour Matador),plus récemment ARAB STRAP, INTERPOL ou STEPHEN MALKMUS (leader de Pavement en solo). Aujourd'hui associés à un autre
label indépendant (Beggar's Banquet), les deux gars new-yorkais fondateurs de Matador ont choisis tant bien que mal de continuer sur
la voie de la liberté après avoir été courtisé par diverses grosses maisons de disques (encore des histoires de gros sous dont on se
fiche éperduement...à moins que ce soit très important et d'un grand intérêt!). Le dernier album en date de chez Matador que j'ai
écouté est le premier effort solo de Thurston MOORE, et ce disque colle bien à l'image du label.(même si je ne suis pas fan du disque).

   Pour clôturer cet article, je souhaite dire deux mots sur une structure qui, pour moi, est dans la continuité des ESP, New Rose
et cie: un label anglais qui clame haut et fort sa singularité et son désir d'exploration sonore. Il s'agit de BIG DADA, crée en 1997.
Loin des convenances exacerbées du hip-hop actuel et, malgré des racines visibles, loin du hip-hop tout court, des groupes tels les
projets d'AnTICON, le groupe CLOUDDEAD, CANNIBAL OX, EL-P, créent une musique pertinente et la notion de collectif et de label prend
(ou reprend) tout son sens. En effet, les gens impliqués dans Big Dada (en fait une division de NINJA TUNE) et dans le cercle d'artis-
tes nommés ANTICON mettent en avant une forte identité, cohérente et diffuse à la fois, concise et farfelue en même temps. Big Dada
produit une musique aux frontières de multiples genres (electro, hip-hop, rock, jazz). Les meilleurs disques du label sont le premier
Cannibal Ox et "Ten" de Clouddead. Ce dernier est réellement passionnant, il vous fait frissonner et vous scotche à votre siège.

     En deux articles, j'ai voulu faire partager et faire découvrir des pans de musique qui nous sont offerts (enfin, bon, les disques
ne sont pas gratuits!) par diverses associations de passionnés, ayant monté des structures permettant la promotion et la distribution.
De YAZOO et ses albums de musique amérindienne, de country-blues ou de folklore polonais, à NINJA TUNE, il y a tout un monde, mais
surtout il y a des acharnés, des travailleurs qui agissent par, et grâce à la passion. Alors qu'il s'agisse de labels de rééditions
ou de labels à la pointe de ce qui se fait de mieux présentement, l'essentiel est de préserver et de supporter les labels qui ont une
âme, ceux qui triment pour mettre en valeur un patrimoine culturel riche et dense. L'époque à laquelle nous vivons nous interdit d'avoir
beaucoup de certitudes, car tout change vite. Et puisque c'est le cas dans le domaine du disque, personne ne peut vraiment prévoir ce
qu'il adviendra des labels indépendants et même des maisons de disques en général dans quelques années. S'il n'y a plus de support
matériel pour écouter la musique, est-ce pour autant la fin des labels? Rien n'est moins sûr, mais des mutations sont nécessaires, c'est
bien la seule chose qui soit sûre. Tant qu'il y aura une âme...

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